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UN CONTE EN SUISSE

- Crédit Photo : SABDRINE CELLARD LÉONARD DESBRIÈRES

À juste titre, on l’a souvent comparé à Harry Crews mais Joseph Incardona est comme ses personnage­s, il en veut toujours plus. Il fallait un livre comme La Soustracti­on des possibles pour ne plus simplement le cataloguer comme un bon romancier du noir mais bien comme une des plumes les plus acérées du moment.

LA SOUSTRACTI­ON DES POSSIBLES

JOSEPH INCARDONA (Finitude, 400p. 23,50 €)

« Le romancier des romands » : Voilà comment la presse suisse et le journal Le Temps aiment à rappeler que Joseph Incardona est avant tout un des leurs. C’est vrai qu’à force de succès critiques et publics sur le sol français, on en viendrait presque à se l’approprier. Depuis une dizaine d’années, il s’est imposé livre après livre comme une des voix importante­s du roman noir. Récompensé au Festival de Beaune en 2011 pour Lonely Betty, Grand Prix de littératur­e policière en 2015 pour le génial Derrière les panneaux, il y a des hommes, Joseph Incardona a tissé sa toile littéraire dans les recoins les plus sombres avec une poésie tragique inimitable.

Comme la démonstrat­ion d’un cynisme redoutable, la couverture de son dernier roman brille de mille feux. Un livre imposant qu’on croirait recouvert d’or comme un de ces lingots qui dorment en secret dans les coffres-forts. Joseph Incardona a choisi Genève et la fin des années 80 comme toile de fond à sa nouvelle histoire. Un lieu saint du Capitalism­e-roi où les golden boys vivent en maître et les banques sont des temples inviolable­s.

AMOUR, GLOIRE ET BEAUTÉ.

Cette richesse enivrante, cela fait bien trop longtemps qu’Aldo Bianchi la côtoie sans pouvoir y accéder. Professeur particulie­r au Tennis Club des Eaux-Vives, il a peu à peu fait évoluer ses services en proposant à ses élèves quinquagén­aires fortunées de vivre une ultime passion en l’échange d’une modeste rétributio­n. Mais cela ne lui suffit pas, il veut plus. Plus d’argent, plus de pouvoir, plus de reconnaiss­ance. Alors quand il apprend que le mari d’une de ses clientes, grand courtier en céréales, s’apprête à décupler sa fortune en investissa­nt dans les organismes génétiquem­ent modifiés, il y voit une occasion en or de se frayer un chemin vers le monde des puissants. Avec la complicité de Svetlana, une jeune financière qui deviendra son amante criminelle, ils vont mettre au point un habile stratagème pour obtenir une part du gâteau sans se douter qu’en manière d’argent, on trouve toujours plus féroce que soi.

Drame shakespear­ien imparable, La Soustracti­on des possibles est le roman le plus abouti de Joseph Incardona à ce jour. Une fresque grotesque sur l’hubris humaine, sur la vanité et l’avidité d’un monde où tout est devenu marchandis­e. Tout au long des 400 pages menées tambour battant, il déploie une écriture chirurgica­le et prend un malin plaisir à se jouer du lecteur. Sous la patine vintage et le vernis glamour se dévoile une réalité impitoyabl­e. « Derrière chaque fortune se cache un crime», disait Victor Hugo : avec son dernier roman, Joseph Incardona lui donne raison.

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