OZU EN 20 FILMS
YASUJIRO OZU (Carlotta)
Honni par son compatriote Nagisa Oshima qui voyait en lui le représentant d’une arrière-garde bourgeoise confite dans le formalisme et la nostalgie de l’identité nationale; adulé à l’inverse par Paul Schrader comme l’un des inventeurs, avec Bresson et Dreyer, du «style transcendantal», Yasujiro Ozu fut plus ou moins ignoré jusqu’en 1978 par la critique et le public français qui lui préféraient des cinéastes plus viscéraux, tel Akira Kurosawa, ou plus socialement engagés à l’instar de Kenji Mizoguchi. Désormais considéré comme leur égal, Ozu a fait l’objet de plusieurs coffrets DVD édités par Carlotta qui a toujours eu à coeur d’offrir la meilleure qualité d’image possible quand d’autres, comme Arte Video, croyant pallier le défaut de conservation des classiques japonais, recouraient aux techniques numériques les plus primitives—réduction du bruit vidéo, dégrainage, correction de la netteté— pour le résultat atroce que l’on sait.
POÈTE DE L’IMPERMANENCE
Intitulé Ozu en 20 films, le nouveau coffret Carlotta change considérablement la donne, au sens où c’est le premier au monde à offrir en Bluray les dix films restaurés à ce jour en 4K et 2K par la Shochiku, que Criterion, lui-même, n’a commencé à publier qu’au compte-gouttes aux États-Unis. Ceux qui ne connaissent pas cet artiste qui savait «rendre visibles et sonores le temps et la pensée », dixit Gilles Deleuze dans L’image-temps (Editions de Minuit), ce grand poète de l’impermanence qui filmait la nature et les hommes avec un unique objectif 50 mm, placé à hauteur de tatami, n’ont plus aucune excuse : débarrassés de toute tache ou rayure, ses chefs-d’oeuvre en noir et blanc (Printemps tardif, Eté précoce, Le voyage à Tokyo, Crépuscule à Tokyo, Le goût du riz au thé vert...) n’ont jamais paru aussi purs et éclatants; quant à ceux en couleurs (Fleurs d’équinoxe, Bonjour, Fin d’automne, Le goût du saké), ils n’ont plus ce virage verdâtre dû à l’oxydation que certains comme l’éditeur anglais BFI avaient conservé par «souci d’authenticité» et que la Shochiku a évidemment corrigé. Commercialisé à un prix très raisonnable —dix films restaurés pour 80 € avec, en bonus, dix autres long-métrages non restaurés (Le fils unique, Il était un père...) et autant de courts-métrages et documentaires divers— ce coffret fait partie avec la quasi-intégrale Bergman livrée par Criterion en 2018, des grandes réussites de l’édition vidéo de patrimoine de ces dernières années.
Ozu en 20 films de Yasujiro Ozu. (Carlotta)