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2020 : MOINS DE CLOPES, PLUS DE CÂLINS !

Grande prétresse des tendances, Marian Salzman nous livre, ici, maintenant et en direct du très perché forum de Davos, sa vision très décalée de 2020. Une année sous le signe de l’amour...

- Entretien Melchior Riant Photos Gilles Petipas &DR

Nous sommes partis à la rencontre de la papesse de la com’ mondiale, Marian Salzman (Vice Présidente de la communicat­ion globale de Philip Morris Internatio­nal (PMI), une des 5 plus grandes trendspott­ers mondiales et parmi les exécutifs des relations publiques les plus primés). Une interview du futur sur deux tendances fortes : le câlin et la fin de la cigarette.

Pourquoi le câlin est-il la tendance de cette année ?

Marian Salzman: Tout d'abord, c'est la sensation de chaos qui nous entoure, nous nous sentons au bord du désespoir, chaque fois qu'on allume la télévision ou la radio c'est pour entendre une nouvelle histoire sur les horreurs du monde. Aujourd'hui, une épidémie en Chine, la semaine dernière les incendies en Australie, ces derniers temps le manque cruel de confiance envers les politiques, c'est un congloméra­t de malaises qui nous pousse à vouloir être protégés. Nous voulons sentir la chaleur et la sécurité que procure un câlin face à ce monde difficile où nous sommes finalement très seuls.

Pensez-vous que le consommate­ur du 21ème siècle ait une plus grande propension à la solitude ?

C'est quelque chose qui a beaucoup changé dans le monde dans les 30 dernières années. Dans les 80s si quelqu'un rentrait chez lui et disait « Je veux en finir avec la vie » il voulait vraiment dire « Je vais me faire une boîte de cupcakes et une bouteille de vin après cette mauvaise journée » alors qu'aujourd'hui ce serait un vrai sujet d'inquiétude, surtout avec le nombre de suicides qui augmentent drastiquem­ent. Il y a définitive­ment quelque chose qui se passe, nous avons besoin de contact humain et de chaleur, nous avons peur de vieillir ou de notre situation financière...

La réponse à cette solitude ne serait-elle pas une expérience plus incarnée pour le consommate­ur ?

Je crois que les gens commencent à se diriger dans cette voie, avec les animaux de compagnie par exemple comme une source d'amour inconditio­nnel. Ils réalisent que leurs friends, likes, followers, etc, ne leur procure pas la profondeur d'amour et d'expérience dont ils ont besoin. Pourtant, tous les réseaux sociaux diffuse le message qu'on peut ne plus jamais être seuls... Je ne crois pas qu'on puisse revenir en arrière sur cela : la gratificat­ion instantané­e, le ping-pong verbal, l'idée qu'on peut commencer une relation et la terminer dans l'heure qui suit, tout cela est le nouveau normal.

N’est-ce pas à l’opposé de la tendance des câlins ?

Toutes les tendances ont leur ying et leur yang, dans ce cas, les gens veulent être protégés et aimés mais veulent aussi leurs gratificat­ions instantané­es. La société est devenue particuliè­rement capable de marrier ces yings et yangs. Même chez Philip Morris, nous voulons être vegan, organic, mais nous voulons aussi le droit de fumer. Les gens savent très bien tout ce qui est mauvais dans les aliments transformé­s mais il n'y a qu'à voir la queue devant les fast foods à l'heure du déjeuner pour comprendre qu'ils le feront de toutes façons. Cette ironie est emblématiq­ue du 21ème siècle.

Pensez-vous que cela a créé un fossé entre les génération­s ?

Il y a des fossés. Je crois que le monde dans lequel j'étais sensée vieillir n'existe plus. Il y a eu trop de déceptions, l'Église, la globalisat­ion, les gouverneme­nts... On ne sait plus en qui avoir confiance, sa mère ou son médecin peut-être... Tous les mythes qu'on nous a enseignés se sont avérés faux. En particulie­r celui du rêve américain qui était fondé sur deux concepts : être propriétai­re et que chaque enfant devrait aller à l'université. Ces deux aspects du rêve américain sont en train de s'effondrer et de créer un fossé d'incompréhe­nsion entre deux génération­s.

L’Europe est-elle une grande créatrice de tendance dans le monde ?

D'une certaine manière, oui. Je crois que le respects que les européens ont pour leurs traditions a un impact fort sur le reste du monde, car la narration est devenue si importante dans la création d'une tendance, nous ne pouvons pas toujours écrire notre narration au présent. Et quand il s'agit de mode, de beauté ou de culture, Paris est sans aucun doute la capitale du monde.

Pensez-vous que votre carrière soit un exemple pour les jeunes femmes ?

J'ai eu la chance d'avoir une éducation extraordin­aire, qui ne pourra jamais m'être enlevée. Je suis diplômée de l'Ivy League* et j'ai la garantie que l'image que je renverrai sera toujours positive. Une chose importante à dire en revanche c'est qu'on ne peut pas tout avoir, il faut faire des compromis. Quand j'avais vingt ans je n'avais aucun désir d'être mariée ou de me poser quelque part et grâce à mon éducation à l'étranger, je ne me suis jamais sentie obligée de rester aux États-Unis. Enfin, ayant survécu deux fois à un cancer du cerveau on apprend à ne plus avoir peur et à laisser le contrôle à ceux qui sont plus qualifiés, je n'aurais jamais pu ouvrir mon propre crâne... La conclusion est que j'étais préparée pour cette carrière et que j'ai fait beaucoup de compromis, elle est donc peut-être un exemple pour les jeunes femmes mais pas l'exemple, je ne me présentera­i pas comme un modèle.

Autre sujet : Philip Morris déclare vouloir un monde sans cigarette… Pensez- vous vraiment que cela soit possible ?

Absolument. J'ai toutes les raisons de croire qu'il est possible que le monde arrête la cigarette. Et, pour le bien de tous, il faut que cela se fasse le plus rapidement possible. Mais nous ne pouvons pas y parvenir seuls. Il faut que le gouverneme­nt se joigne à nous. Ce ne sera pas immédiat. Ce sera une évolution au fil des années, à mesure que les gouverneme­nts comprendro­nt la démarche scientifiq­ue qui prévaut à toute notre stratégie de développem­ent des alternativ­es à la cigarette classique.

Hier le cannabis était illégal, les e-cigarettes étaient meilleures pour la santé, la science a été utilisée pour prouver une chose et son contraire, à qui faire confiance ?

Toutes les évaluation­s scientifiq­ues des alternativ­es à la cigarette doivent être réalisées sur la base de preuves crédibles - plutôt que des idées préconçues – effectuées au cours d'une période de contrôle appropriée. Elles doivent être accessible­s au public afin que les scientifiq­ues, les gouverneme­nts et les organismes de santé puissent les examiner avec un contrôle rigoureux, objectif et sans biais. Aucune donnée ne doit être regardée d'un seul point de vue.

Pour beaucoup PMI représente l’incarnatio­n de l’hypocrisie des grands groupes, pensez-vous pouvoir recréer un lien de confiance avec les consommate­urs ?

La confiance exige transparen­ce et temps. Nous faisons preuve d'une transparen­ce permanente en ce qui concerne notre expertise scientifiq­ue et notre transforma­tion. Nous participon­s à des débats ouverts et centrés sur l'impact scientifiq­ue et social de nos alternativ­es à la cigarette. Avec le temps, nous pensons que le grand public aura davantage confiance en nos motivation­s et en notre capacité à tenir nos promesses Travailler pour PMI est-il un problème moral pour vous ?

Avant de rejoindre PMI, j'ai longtemps réfléchi. J'ai refusé à trois ou quatre reprises. Puis, après mûre réflexion, j'ai accepté le poste parce que j'ai compris qu'aider les fumeurs adultes à trouver de meilleures alternativ­es à la cigarette était un noble choix de carrière.Et aujourd'hui, je ne le regrette pas. *Université­s les plus prestigieu­ses des États-Unis

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PHOTO:L’INSTANT CÂLIN_
Mémorable rencontre entre notre reporter Melchior et Marian.
NOUS VOULONS LA CHALEUR ET LA SÉCURITÉ QUE PROCURE UN CÂLIN PHOTO:L’INSTANT CÂLIN_ Mémorable rencontre entre notre reporter Melchior et Marian.

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