Technikart

« SI J’ÉTAIS B.G. ?! »

Jeu sulfureux, jeu dangereux, l’envoi de nudes et de dick-pics fait désormais trembler tout le pays. Notre chroniqueu­se s’y est frottée et nous raconte.

- BRANLETTE FACE AU MIROIR

Avant de me dépuceler, je passais mes soirées sur Chatroulet­te jusqu’à trouver un type pas trop dégueulass­e à qui filer mon adresse MSN. J'avais 14 ans et mes journées maussades d'adolescent­e n'étaient égayées que par la perspectiv­e de le retrouver chaque soir en vidéo sur mon écran. Montrer ma tête présentait un danger énorme, alors j'ajustais ma webcam de façon à ce qu'elle soit coupée. Lorsqu' inévitable­ment, il a un jour aperçu mon visage, j'ai pensé que de porter un masque serait plus sûr. Mais c'était trop tard. Il devait avoir 35 ans et pris conscience que cette histoire de corps prépubère masqué sur lequel il se branlait quotidienn­ement sentait le roussi. Avec regret, il m'a expliqué que c'était en quelque sorte craignos ou illégal et que notre amourette virtuelle devait cesser. Les garçons que j'ai connus par la suite ne me disaient rien de bon sur la confiance que je pouvais leur accorder. Je les connaissai­s pour de vrai et ça suffisait à me faire croire qu'ils se serviraien­t de nos échanges pour me nuire.

Voilà ce à quoi je pensais dimanche dernier quand j'ai enduré la pire insomnie de ma vie. Comme souvent quand j'angoisse, je réfléchiss­ais aux éléments dont mon entourage dispose pour me détruire au cas où un jour ce serait intéressan­t de le faire. Je n'ai jamais prononcé d'abjection raciste, filmée ou non - et je n'ai eu d'intention violente réalisée que dans les toilettes d'une boîte de nuit, quand j'ai jeté la tête d'une copine qui m'avait agacée dans la cuvette, donc techniquem­ent, en off.

Tout ce que j'ai commis, c'est le vol de plusieurs boîtes de Mikado au supermarch­é quand j'étais enfant, sans jamais me faire choper. Cependant, je me suis déjà préparée à prendre la diffusion de mon délit en charge dans l'hypothèse où j'aurais envie de me faire élire Maire de Paris. Mes yeux écarquillé­s commençaie­nt à se détourner de l'inintérêt de mes recherches, fléchissan­t peu à peu devant la tentation de la nuit. J'y serais parvenue si de désobligea­nts flash ultra porno ne s'étaient pas manifestés au moment où je m'enfonçais dans mon oreiller. D'un coup, une foultitude de souvenirs plus bordeline les uns que les autres se sont alignés en vue d'accabler mes ambitions narcotique­s. Notamment, un long plan séquence zoomé sur mon visage bien distinct, bien que légèrement déformé à cause des mouvements de va et vient que ma bouche procurait à un godemichet. Une autre production, en portrait cette fois, me mettait en scène en train de niquer mon oreiller, gesticulan­t mon corps nu sur tous mes projets de femme libre, exempte de la moindre tentative d'intimidati­on. Ces vidéos étaient toutes habilement envoyées sur Facebook.

Curieuse tendance que celle de montrer son corps à une caméra quand l'imaginatio­n permet très convenable­ment de se branler sur quelqu'un dont on n'a jamais aperçu plus que les avant-bras. Ce qui excite le destinatai­re, c'est l'idée du bourbier dans lequel l'exhibition­niste se plonge en diffusant insouciamm­ent des images de son corps ?

Ma montre indiquait 6 heures du matin et une chose était sûre : je devais déménager dans l'année, préparer les adieux à ma famille et réfléchir à une carrière différente, moins risquée. De toute façon la mienne, peu importe ce en quoi elle consiste, ne prend pas. Ça faisait des années que je n'avais pas adressé un mot aux types qui détenaient les outils pour me pourrir et ils apparaissa­ient encore plus redoutable­s maintenant qu'on ne se connaissai­t pratiqueme­nt plus. Après m'être forcée pendant 1h30 à ne pas regarder les archives de mes conversati­ons, voyant le point du jour annuler tout mon programme de la journée, j'ai craqué. Intacts, les échanges demeuraien­t. Alors que les vidéos, envoyées à mes interlocut­eurs s'affichèren­t franchemen­t, je me rendis compte que j'avais autant de quoi leur ruiner la vie qu'eux. Devant mes yeux ébahis, des plans alternant d'une part une branlette face au miroir, aussi nerveuse qu'aboutie, d'autre part, ce par quoi elle était occasionné­e, une bite, en plongée, que le souci d'être révélée au grand jour ne semblait pas perturber. Il s'agissait d'un mec assez à l'aise avec la publicité de sa sexualité, au sens étymologiq­ue et figuré. Sa potentiali­té publique ne le dérangeait pas et faire sa promotion allait de soi. Mais alors que tout un chacun est sujet au dévoilemen­t de son intimité, s'éteindre devant le chantage, par opposition, paraît quasiment extravagan­t.

« J’AI JETÉ LA TÊTE D’UNE COPINE QUI M’AVAIT AGACÉE DANS LA CUVETTE »

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