« IL FAUT SE MÉFIER DE CE QUI PARAÎT INNOCENT ! »
LE ROMANCIER GÉRARD GUÉGAN, GRANDE FIGURE DU PARIS POST-68, N’A RIEN PERDU DE SA RADICALITÉ. IL DÉCRYPTE CES INSURGÉS FORTICHES EN COMM’.
Vous qui avez vécu mai 68 de l’intérieur, que vous inspire toutes ces opérations d’agit-prop et instagrammables ?
Gérard Guégan : On donne ce qu’on sait faire : danser sur la place de l’Opéra, c’est un cadeau. Les danseuses descendent sur le pavé et offrent un spectacle, les musiciens et les acteurs aussi. Mais les médecins ? A San Francisco à la fin des 60’s, ils montaient des cliniques libres. Pourquoi, aujourd’hui, les médecins ne planteraient pas des tentes dans Paris pour distribuer des soins… Là il y a des grèves des égoutiers et un type disait, « si on s’arrête 15 jours, ça va vraiment être la merde dans Paris » (rires).
L’horizontalité de tous ces petits groupes autonomes rend-t-elle ces actions plus efficaces ?
Rien n’est plus illusoire qu’une foule immense qui défile le même jour. Tandis que ces petits mouvements inventifs n’ont d’autres règles que les leurs et peuvent donc constamment s’améliorer. 68 ça a été l’addition de petits mouvements, la Nouvelle Vague y a contribué. Et on entendait qu’il n’allait rien se passer. Pierre Viansson-Ponté écrit « la France s’ennuie », 15 jours après, c’était Mai 68. Il faut se méfier de ce qui paraît innocent – si ça existe, ça correspond à quelque chose.
En 2015, vous disiez dans Technikart : « les prochains révolutionnaires porteront des costumes Schiaparelli ». Vous les trouvez bien habillés, en ce moment ?
La mode change, mon vieux ! Un jour c’est le jean, un autre c’est le velours. Ce n’est jamais ce qui est prévu qui arrive. Jamais ! S’il n’y avait pas de surprises, ce serait chiant ! L ‘imprévu est toujours rigolo.
Nikolaï, le bolchevik amoureux (éditions Vagabonde, 172 pages, 13,50 €)