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Névroses, ylang-ylang, cérémonies vaudous et joueurs du PSG… Le parfumeur Pierre Guillaume fait valoir un parcours et une histoire plutôt secoués du flacon ! Portrait d’un poète auvergnat aux senteurs vivaces, finaudes et racées.
Vous en connaissez beaucoup, des parfumeurs qui viennent conseiller eux-mêmes leurs clients en boutique ? Il est comme ça, Pierre Guillaume. Artisan à gueule d'archange réputé dans le monde entier, adoubé par les plus grands critiques, mais aux pieds bien ancrés sur terre. Dans son Auvergne natale, d'une part, où il a établi ses ateliers et où il affectionne les balades avec son chien au bord du lac jouxtant sa maison, mais aussi à Paris, dans son échoppe voisine du Palais Royal, où il s'improvise régulièrement vendeur. « On a une clientèle très variée, souffle-t-il, avec même parfois des joueurs du PSG qui viennent nous rendre visite. C’est gratifiant, parce que ces mecs sont censés déjà tout avoir, être blasés… Ça veut dire qu’il y a vraiment quelque chose qui leur plaît chez nous ».
Pour ce créateur un brin iconoclaste, l'attrait pour le parfum remonte à l'enfance, lorsqu'il empilait les matières olfactives comme d'autres marmots collectionnent les timbres-poste ou les cartes postales. « Dès que j’avais trois sous en poche, je filais chez le pharmacien de mon petit village auvergnat pour lui commander des huiles essentielles. C’est ma grand-mère qui avait initié chez moi cette marotte, en me ramenant des Comores une ampoule d’ylang-ylang (arbre dont la fleur est utilisée notamment dans la confection de Chanel N°5, ndlr) ». Quelques années plus tard, le jeune homme conservera son appétence olfactive intacte mais entamera des études de chimie pour marcher dans les pas de son père, formulateur industriel. « Puis lorsque celui-ci est tombé gravement malade, au début des années 2000, j’ai entrepris de créer une odeur qui le rappellerait à moi. Celle de sa boîte à cigares ». C'est ainsi que naîtra Cozé, toute première création bricolée autour de la sauge, de la muscade et du piment. À l'époque, le jeune homme produit pour lui quelques dizaines de flacons, en imprimant les étiquettes avec son ordinateur. « J’en avais déposé chez une amie, qui avait une boutique mode à Clermont-Ferrand et les vaporisait sur ses sacs. Les clients revenaient la voir et lui demandaient où ils pouvaient se procurer cette fragrance ».
Puis un jour, par le jeu des rencontres et du hasard, l'un d'eux se retrouve entre les mains de l'illustre critique parfums américain, Chandler Burr. Le limier flaire le bon coup et consacre un papier à ce prodige totalement inconnu dans le GQ américain.
POIVRE JAPONAIS
Rapidement, une boutique de Los Angeles, ainsi qu'un distributeur russe, viennent aux nouvelles. « Il a fallu que je me lance pour de vrai, j’ai vendu ma bagnole afin de m’acheter une palette de flacons, faire fabriquer des boîtes… ». Aujourd'hui, le quadragénaire, dont la maison aura quinze ans en juin prochain, continue de produire ses fragrances originelles. « Parce que j’ai des clients qui y sont attachés. Mais ces dernières années, j’ai évolué vers quelque chose de plus enjoué. Si vous prenez Aqaysos, le résultat est beaucoup plus lumineux, limpide. Il y a des notes florales, fruitées, épicées, du poivre japonais Sansho, un gros travail sur les fractionnements de Patchouli, une séquence très excitante sur les muscs… ». Loin de se reposer sur ce succès, Pierre Guillaume se consacre à sa prochaine collection : « J’ai 800 matières dans mes armoires pour produire tous les jours, et la variété des combinaisons semble infinie. C’est un métier via lequel on apprend des choses tous les jours. Ce matin, je manipulais des matières que je connais pourtant par coeur, j’ai encore fait des découvertes. Le champ des possibles est infini… Je pense que tant qu’on arrivera à surprendre les gens avec sept notes en musique, on parviendra à étonner tous les amoureux de parfums ». Y compris les joueurs du PSG.
« ON A UNE CLIENTÈLE VARIÉE, AVEC DES JOUEURS DU PSG QUI VIENNENT NOUS RENDRE VISITE… »