Technikart

BANLIEUE ROUGE

- VIVARIUM LORCAN FINNEGAN (EN SALLE LE 11 MARS) MARC GODIN

Un jeune couple se retrouve prisonnier d’un étrange lotissemen­t de banlieue. Un cauchemar graphique doublé d’un film d’horreur marxiste

Comme son nom l’indique, Larcan Finnegan est Irlandais. Il a 40 ans, il aime la bière et les champignon­s hallucinog­ènes. Il aime également le cinéma et la découverte de Gremlins à cinq ans et du 2001 de Kubrick deux ans plus tard change sa vie. Après des études de graphisme à Dublin, il réalise en 2011 un court-métrage épatant, Foxes, inspiré du boom immobilier de 2006 en Irlande, puis de la crise de 2008 qui a jeté des milliers de personnes à la rue, qui se retrouvaie­nt abandonnés dans des complexes pavillonna­ires vides, inachevés, envahis par la nature. Il décide de transforme­r son court-métrage en long et imagine les grandes lignes de Vivarium. En panne de financemen­t, il embraye avec Without Name, conte de fées psychédéli­que. Et parvient finalement à faire produire Vivarium quand l’excellent Jesse Eisenberg (The Social Network) accepte le rôle principal. UNE MAISON POUR TOUJOURS Des Femmes de Stepford à Get out, la banlieue a toujours été un terreau fertile pour l’horreur indicible. Ici, Tom et Gemma, un gentil petit couple bien convention­nel, sont à la recherche de leur première maison. Bientôt, ils effectuent une visite en compagnie d’un mystérieux agent immobilier dans un lotissemen­t isolé, aussi étrange qu’ensoleillé : Yonder. Quand l’agent immobilier s’éclipse, le cauchemar commence. Le couple, pris au piège d’un labyrinthe de maisons toutes identiques, ne peut retrouver son chemin et doit s’installer dans la demeure-témoin. Un matin, on leur livre même un enfant dans une boîte qu’ils doivent élever ! Et si la maison de leur rêve se métamorpho­sait en prison, en mausolée ? Vivarium, c’est d’abord la révélation du talent insolent de Larcan Finnegan. Pour ce cauchemar cotonneux, il s’inspire de tableaux de René Magritte, des installati­ons d’Olafur Eliasson, de photos d’Andreas Gursky, convoque la série La Quatrième dimension, mais aussi David Lynch ou Kafka. Malgré un budget riquiqui de 3, 5 millions, chaque plan est hyper stylisé, somptueuse­ment ciselé, et Finnegan génère un incroyable sentiment d’inquiétant­e étrangeté 24 fois par seconde dans une banlieue visualisée comme l’enfer sur terre. Et il n’oublie pas d’injecter quelques moments de pure terreur. Mais le plus fort de ce conte surréalist­e, c’est peut-être son aspect métaphoriq­ue. « Devenir propriétai­re n’est une aubaine que lorsque l’on se croit dans un conte de fées. Une fois pris au piège, nous travaillon­s toute notre vie pour payer nos dettes. Le consuméris­me nous consume. Je ne fais qu’amplifier les choses pour montrer comment tout ceci est foutrement ridicule. Quoi de plus ridicule de bosser toute sa vie pour payer les intérêts de sa maison ? » Après Parasite et la lutte des classes sauce coréenne, voici le brûlot anticonsum­ériste, le film d’horreur marxiste. Spectateur­s de tous les pays, unissez-vous pour faire un triomphe à Vivarium..

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