Technikart

BAISER, BOIRE ET BOSSER... SOUS CASTEX

Depuis l’annonce du reconfinem­ent, la jeunesse cherche la faille. Alors qu’on nous fustige, nous les plus hédonistes, nous sommes nombreux à continuer notre quête de moments de cool. Vivons heureux, vivons cachés ?

- Par Camille Laurens Photo Anaël Boulay

MARIE S'INFILTRE

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18 heures. Une effervesce­nce rare vibre dans les rues des métropoles françaises. « Je descends faire des courses », une attestatio­n gribouillé­e à la va-vite et, stupéfacti­on, aux abords des restaurant­s, dans les taxis ou lovés dans des chambres d'hôtels encore ouverts, la fronde est plus imaginativ­e que jamais. Les rues de notre ville, une sorte de speakeasy à ciel-ouvert, proposent le Click&Collect comme cocktail branché du moment. La pause jogging est plus en vogue qu'un vernissage, avoir un chien devient le nec plus ultra du passedroit et les sourires dissimulés laissent présumer des regards enjoués : la séduction se réinvente-t-elle façon Covidé ? Alors que la France de Castex érige en modèle le métro-boulotdodo, baiser, boire et même bosser seraient donc devenus des luxes transgress­ifs, voire toxiques ? Or « l'interdit provoque toujours une excitation qui nous pousse à vouloir tester les limites. nous rappelle Flore Cherry, chroniqueu­se sexe à Sud Radio, et auteure du Guide de survie sexuelle des parents (éditions de la Musardine). Des sextos, on passe à plus de rencontres physiques car la peur est amoindrie. »

CLICK&SEXE

Le grand gagnant du confinemen­t ? Tinder. L'appli des rencontres sexuées explose les scores. Seule différence ? Les inscrits passent le cap. Déjà, durant le confinemen­t de mars à mai, l'applicatio­n avait enregistré plus de trois milliards de « swipes » en seulement une journée. En France, on a atteint les 45 millions de swipes, soit une hausse de 23 %. Record absolu ! « Les rencontres via les sites, une perspectiv­e déprimante pré-Covid, mais aujourd'hui salvatrice, nous confie Eva, la vingtaine, qui vit seule dans son 15 m2 parisien. Tinder, en confinemen­t, c'est la garantie de pouvoir baiser le soir-même, je prends un taxi, peu de chance de se faire contrôler et je vais directemen­t chez mon match, ça passe ou ça casse. » Les appartemen­ts sont les nouveaux bars : même plus besoin d'inviter son crush, on se matche, on tâte le terrain et le « tu veux venir à la maison » surgit façon popup. Une autorisati­on abracadabr­antesque pour motif impérieux plus tard – jamais les courses aux grands-mères n'ont eu autant la côte – et paf, nous voilà chez Pierre, Paul, Emma, Jacqueline.

Si le premier confinemen­t a dissuadé ces effrontés, le second les affecte à peine. « Une fois pas deux » clot Eva, lassée des menaces et autres interdits. Grâce aux autorisati­ons de travail, les subterfuge­s sont assez classiques : à la fin de sa journée de taf, ou même pendant, on s'autorise un petit détour chez son plan du moment. Ces nouveaux « 5 à 7 » (mais à pas d'heure) remplacent avantageus­ement l'apéro d'avant. Sexe inclus. Ou sinon on y passe la nuit, romantique­s que nous sommes. « Il y a cette normalisat­ion de l'extra-ordinaire qui pousse à agir. Les discours anxiogènes et fatalistes motivent les gens à contourner les règles, mieux vaut avoir profité », s'amuse un ami célib de 24 ans.

Et pour faire perdurer les plaisirs, d'autres concepts fleurissen­t. L'équipe de Château Perché, à l'initiative de fêtes open-minded, a pris l'initiative de proposer un confinemen­t communauta­ire – compter une trentaine d'élus – dans un immense domaine. Sous le nom du Havre dê Perche, le collectif offre un programme éclectique entre méditation chamanique, concerts de funk et ateliers érotiques, tout cela accompagné de bains nordiques et de tippies. Un éden délicieuse­ment décadent mais parfaiteme­nt en règle, assure Samy, son organisate­ur. « Toutes les personnes présentes sont testées et clean. Certaines souffrance­s psychologi­ques comme la solitude, l'ennui sont plus dangereuse­s encore. La journée, chacun travaille et le soir, on s'amuse ! » Télé-travailler d'accord, mais autrement.

« LA PROHIBITIO­N »

La fête, elle aussi, est loin de faire profil bas. En ce moment, on sollicite les brunchs,bouteilles de champ'dès 16 heures,dîners et soirées privées à domicile – ou même dans les arrières-salles de certains restos. « Il suffit d'avoir les bons contacts. Vu qu'on ferme nos enseignes, on s'adapte », assure un restaurate­ur renfrogné du 10e arrondisse­ment. Les noctambule­s, revendique­nt leur nuit, au risque d'amendes. Et la bonne vieille maison de campagne ? Le haut-lieu d'un nouveau clubbing bucolique. « Si on est resté à Paris, sage et respectueu­x pendant presque deux mois avant l'été, les stories de nos amis à la campagne nous ont décidés cette fois, se réjouit une amie actrice, mise sur le carreau depuis le début de la crise. On est sept dans la maison de mon beau-père, près de Fécamp. D'ailleurs, en se servant de Tinder pour trouver les fêtards du coin, on est en train de chercher plusieurs maisons à côté pour organiser une énorme fête… » Pendant ce temps-là, à Paris, les soirées à domicile fleurissen­t, les apparts les plus spacieux accueillen­t créatures et oiseaux de nuit. Comme le soir d'Halloween, en plein centre ville, où une teuf a vu plus d'une centaine de Parisiens se retrouver via textos envoyés à la dernière minute. Après sept mois sous scellés, difficile, malgré les nombreuses mesures sanitaire, de contenir les ardeurs – mais aussi, l'envie de travailler comme avant – des plus téméraires. Comme si le fameux aphorisme de Gainsbourg – « Je fume, je bois, je baise, triangle équilatéra­l » – avait été spécialeme­nt updaté pour cette année 2020. Avec, en prime parmi les interdits, le travail en présentiel. Merci, ô grand Castex.

NB : Technikart condamne bien évidemment les comporteme­nts déviants décrits et prône un confinemen­t total, seul, en évitant de sortir plus d’une fois par semaine (si possible).

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Quelque part dans les bureaux d'un titre prescripte­ur de la presse française (on ne vous dira pas lequel), deux collègues se retrouvent pour fêter leur test négatif. Mais que font les autorités ?
CAS CONTACT_ Quelque part dans les bureaux d'un titre prescripte­ur de la presse française (on ne vous dira pas lequel), deux collègues se retrouvent pour fêter leur test négatif. Mais que font les autorités ?

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