Technikart

BILAL BY NIGHT

Il revient avec Contre-soirée, album concept doublé d’un manifeste camp dédié aux joies de la rencontre nocturne. Vous y croiserez Loïc Prigent et Zahia (leur accent anglais ? So kitsch !), des tubes eurodance et quelques confession­s intimes… Une intervie

- Photos Emma Birski - Stylisme Mathias Tichadou - Coiffure Gabriel Basseur - Make-up Nicolas Denoun

Tu as quelque chose en commun avec une autre de nos idoles, ici à Technikart : Sébastien Tellier. Lui aussi a fait l’Eurovision. Et lui aussi n’était pas très bien placé (16ème place pour Bilal en 2019, 19ème pour Tellier en 2008, ndlr)...

Bilal Hassani : On ne s'est jamais rencontrés. Mais je l'adore ! Je suis fan aussi.

La dernière fois que nous nous sommes vus (pour la couve du Technikart de mars 2019), tu te préparais pour l’Eurovision. Qu’as-tu retenu de l’expérience ?

C'était beaucoup d'apprentiss­age, de voyages, de partage… Ça te va comme réponse ?

On t’a vu dans The Story of Fire Saga, la comédie Eurovision de Will Ferrell. Il l’a filmée à Tel-Aviv pendant le concours ?

Pas du tout, ils nous ont appelés après. Donc là où la France était un peu triste et déçue du classement, moi j'étais trop content parce qu'on m'avait appelé le lendemain en me disant que Will Ferrell et Rachel McAdams étaient sur place, avaient beaucoup aimé « Roi » et voulaient donc que je participe au film. J'étais assez surpris et j'ai dis oui direct parce que je suis fan des deux.

Ils ont quand même filmé une partie sur place, non ?

Alors ils ont tourné quelques scènes pendant le concours. Mais la scène avec les anciens talents de l'Eurovision qui se réunissent a été tournée en septembre de l'an dernier, dans un château en Angleterre, celui que l'on voit dans

Le Discours d'un roi.

Donc « ton » Eurovision, c’était celui de

Will Ferrell et de Madonna…

Il y a pire ! Madonna, je l'ai croisée, je peux le dire. Elle est assez impression­nante, elle nous a laissé des mots d'encouragem­ents.

Et depuis janvier dernier, tu nous prépares Contre-Soirée, un second album concept d’europop (le concept étant une histoire de soirée et de sorties).

Il est né début janvier, à New York. J'y ai fêté mon nouvel an et j'ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup la fête avant qu'on ne puisse plus, du coup (avec le premier confinemen­t, ndlr).

J'y suis resté un mois et demi.Et de là est né le concept de cet « album film ». Le travail s'est ensuite fait sur toute l'année.

Quand Bilal fait « beaucoup, beaucoup, beaucoup la fête », ça ressemble à quoi ?

En fait, j'ai vécu une année 2019 assez intense. J'avais besoin de déconnecte­r complèteme­nt donc j'ai coupé mon téléphone et je suis parti à New York vivre un peu. J'ai fait la fête, j'ai dormi… Je me suis reposé, ce que je n'avais pas fait depuis longtemps. J'ai été connu en 2019, et les cinq-six années qui ont précédé, j'ai travaillé pour arriver à ce moment-là. Je n'avais pas vraiment vécu l'adolescenc­e, donc j'ai décidé de la condenser en ces trois semaines aux États-Unis.

C’était une sorte de crise d’ado ?

Ou une épreuve de maturité pour devenir vraiment l'adulte que je suis aujourd'hui ! Et à un moment, il y a eu un rêve, vers la mi-janvier. J'ai dormi et j'ai imaginé une soirée un peu farfelue. J'ai réalisé, quand je me suis réveillé, qu'elle représenta­it la vie. Que les soirées, les fêtes, c'était plein de petites vies. À ce moment-là est venue l'idée de faire Contre-Soirée.

Tu as créé l’album avec Matthieu Mendès.

Un génie !

Euh… Un faiseur de tubes pour Kendji Girac et M. Pokora, tu veux dire.

Il a été mon copilote. Je voulais le sortir un peu de sa zone de confort et j'étais rassuré d'être avec quelqu'un qui avait vraiment des hits, et pouvoir lui dire : « On va garder cette essence-là, mais tu vas venir dans mon monde ». On faisait se marier des vrais synthés qui dataient de l'époque, que je voulais dans le son, avec des guitares acoustique­s, des basses, tout était beaucoup plus organique que sur mon premier album. On a pris énormément de temps sur chaque titre, on s'est beaucoup pris la tête.

Ce qui n’était pas le cas avec le premier ?

Kingdom a été fait en trois semaines. J'étais très excité parce que c'était mon premier album : j'avais plein de choses à dire et vite. J'en étais très content et j'en suis encore fier. Mais

cette fois-ci, le temps de faire une chanson, c'était le temps de faire tout le premier album. Donc c'est très différent quand même !

Et vous l’avez enregistré où ?

C'était un album un peu ermite. On était dans un studio dans le IXe, celui de Matthieu, et on a tout fait là-bas. On ne sortait pas, on n'a rien vu de 2020 ! On était vraiment enfermés dans le studio jour et nuit, on ne voyait pas l'heure passer, un peu des hommes des cavernes. Nous avons ridé comme ça pendant une bonne année.

Quand on avait sorti notre couve avec toi au printemps 2019, on a vu que tu avais pas mal de haters. Et là, en postant de nouveau des images avec toi, ils se manifesten­t de nouveau. Rien n’a changé depuis ?

Il y a surtout eu une vraie évolution de ma propre perception de la haine. Je la voyais vraiment rouge, vive. Elle me faisait mal aux yeux, mal au coeur, mal au cerveau… Maintenant, beaucoup moins. J'arrive à prendre assez de recul pour ne plus lire tout ça. Ça aurait été il y a un an, j'aurais lu tous les commentair­es du post Instagram. Là, j'étais même pas au courant qu'il y avait des commentair­es dessus. Donc j'arrive à ignorer.

Mais rassure-nous : il y a moins de commentair­es homophobes qu’il y a un an ?

J'ai l'impression qu'il y en a… un peu moins. Au début, quand je suis arrivé sur la scène musicale française, il y a eu un petit choc culturel. J'en suis ultra-fier parce que j'ai fait du bien à beaucoup de personnes – mais au début, ce choc amène évidemment des regards plus négatifs et inquiets. Ça s'est complèteme­nt dilué et les gens sont passés à autre chose, donc il y a moins de haine qu'avant. Mais ce sont des fans pour moi, les haters, parce qu'ils suivent tout ce que je fais de près.

Tu as donc observé un changement dans les mentalités ?

Un petit peu, quand même. Il y a des cas individuel­s qui m'ont prouvé qu'il y avait une évolution. Il y a des gens qui ont pu faire leur coming-out, des gens qui n'osaient pas venir me voir la première fois que j'arrivais dans une ville et quand j'y revenais une deuxième, troisième ou quatrième fois, ils venaient me voir avec leurs parents. Il y a quand même quelque chose qui a bougé.

C’est dû à quoi selon toi ?

Le fait que je sois entré dans le foyer des gens via la télé, via ma musique, etc., ça a fait bouger les mentalités. Mais il y a encore plein de choses à faire. C'est pour ça que je serai là encore longtemps !

Contre-soirée (House of Hassani / Play Two)

Newspapers in French

Newspapers from France