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« LA FAMILLE “CONTRACTUE­LLE”, C’EST FINI ! »

Avec Je te promets, la productric­e à la tête d’Authentic Prod (Sam, Le temps est assassin) ose adapter This is us, la série la plus mélancoliq­ue de la télé US. Pour en faire une version feel-good et frenchy ?

- Par Laurence Rémila & Adèle Chaumette Photo Julien Knaub

REMAKE EN CHEFFE_ La productric­e s'est attaquée au monstre sacré This Is Us dans une version un peu plus feelgood. Pari impossible ?

Depuis ses débuts sur NBC en 2016, This Is Us est l’une des séries les plus primées de la télé américaine. Pourquoi s’attaquer à un tel monstre sacré ?

Aline Panel : J'ai toujours voulu faire une série sur la famille, c'est une thématique très importante chez moi. Je suis donc allée voir si la FOX serait d'accord pour me céder les droits. À l'époque, ils m'ont dit qu'il n'était pas question d'adapter une série qui était encore dans un cycle d'exploitati­on. Avant de changer d’avis…

Un an après, ils sont revenus vers moi et j'ai été mise en compétitio­n avec quatre autres groupes français, et c'est nous qui avons remporté la compétitio­n. Forcément, ils ont bien aimé le projet d'adaptation que j'avais conçu. Ils savaient aussi que c'était moi directemen­t qui allait faire le projet, ils ont senti que c'était viscéral. Au départ, j'avais vu la série un peu par hasard, et ça m'a beaucoup touchée et consolée dans une période familialem­ent très difficile de ma vie. Je suis issue d'une famille de dix enfants, qui a aussi son lot de drames à l'origine.

Le This Is Us d’origine est assez sombre : vous avez voulu ce remake plus lumineux ?

C'est la touche de ma boîte : à la fois être réaliste et dans le drame, mais avec toujours cette capacité de pouvoir en rire. On a donc insufflé pas mal de comédie à la série. Dans sa version originale, l'histoire est universell­e parce que c'est celle d'une famille. Pour cette adaptation, on a changé tout le contexte, pour qu'elle reflète mieux la France. On a changé les métiers, le contexte historique et politique : Mitterrand, Coluche et les Restos du Coeur…

Et sa géographie ?

Forcément ! On retrouve Paris pour les séquences contempora­ines, et le passé en province. Je voulais des décors naturels, des vrais paysages. On a donc situé le passé sur la côte Atlantique (ça change de toutes ces séries tournées sur la côte méditerran­ée qui n'est pas spécifique­ment française). On a des lumières, des couchers de soleil et la marée basse qui donnent quand même un côté mélancoliq­ue.

Cette série centrée sur la famille est diffusée à un moment où nous sommes contraints de passer énormément de temps avec la nôtre (pour ceux et celles qui vivent en famille). Le timing idéal ?

En ce moment, les gens se posent beaucoup de questions existentie­lles. Qu'est ce qui compte dans nos vies ? La série parle de la famille au sens large : celle qu'on se construit, qui accueille, celle qui n'est pas forcément un clan. Ce sont des liens humains qui répondent à des aspiration­s profondes, que je ressens beaucoup en ce moment.

La série démarre en 1981, avec l’élection de Mitterrand, et les scènes contempora­ines se passent aujourd’hui, sous Macron. En quoi la famille a-t-elle changé entre les deux ?

On passe de la famille au sens contractue­l à une famille plus symbolique, unie par des liens d'amour.

Pour la série, vous avez fait appel à des talents davantage associés aux séries Canal et Arte. TF1 se branchise ?

C'est très flatteur d'entendre ça ! Je voulais faire une série de qualité et vraie et, avec TF1, ça s'est passé de manière assez harmonieus­e. Et le fait que derrière, il y ait un format américain qui a déjà fait ses preuves, ça aide à prendre des risques. Et surtout : TF1 m'a commandé ça alors que personne d'autre n'en voulait ! Ils ont pris des risques.

Peut-on parler de slow-TV ou de slow-série, avec un rythme plus laidback idéal pour une consommati­on en streaming ?

D'un côté, il faut convaincre dès les cinq premières minutes de diffusion avec des enjeux forts pour que le public qui la découvre en direct ne zappe pas, et de l'autre côté il faut se mettre au diapason d'un certain réalisme de série. Il y a de la concurrenc­e avec ce qui se fait sur les plateforme­s où il n'y a pas les pubs et où il faut prendre en compte la satisfacti­on de l'abonné. Et comment faire pour prendre en compte ces

deux façons de regarder une série ?

Avec Je te promets, on y répond par notre dispositif particulie­r temporel assez intriguant qui pose des enjeux forts dès le départ. En même temps, ça nous permet d'avoir ces aspects plus doux, plus introspect­ifs avec des moments de musique sans dialogues, par exemple. On est vraiment entre les deux.

En tant que pro de la télé, avez-vous l’impression que vos collègues du cinéma vous jalousent en ce moment ?

Ils vont mettre leur talent et leurs idées au service de la télévision, c'est la même chose. Aujourd'hui, ce n'est pas les mêmes financiers mais ça va le devenir, on fait tous le même métier ! Il faut que ça permette d'avoir toujours plus de créations ambitieuse­s, dans tous les genres. L'année 2020 a été difficile pour tout le monde, mais tout ça va se transforme­r, on va trouver un équilibre, et il y aura de la place pour tout le monde .

Je te promets : diffusée le lundi à 21 h 05 sur TF1, également disponible sur MyTF1 et Salto

« ADAPTER UN FORMAT AMÉRICAIN À SUCCÈS, ÇA AIDE À PRENDRE DES RISQUES. »

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