Technikart

BON SANG NE SAURAIT MENTIR

Dans le futur, une tueuse pirate d’innocentes victimes afin de perpétrer ses crimes. Mind fucking et boucherie gore : le fiston Cronenberg nous embarque pour un rollercoas­ter viscéral.

- MARC GODIN

Lors du dernier festival de Gérardmer (en ligne), Possessor a gratté la récompense suprême. Derrière la caméra, Brandon Cronenberg, 40 ans, réalisateu­r d’Antiviral, reprend la petite boutique des horreurs de papa, à base de nouvelle chair, de boucherie gore et de scénario retors. Dans un futur proche, une tueuse à gages utilise une technologi­e neurologiq­ue révolution­naire qui lui permet de hacker le corps d’innocents et d’effectuer en toute impunité ses contrats pour le compte de très riches clients. Pas tout à fait remise de sa dernière mission, elle doit éliminer un chef d’entreprise véreux. Pour ce faire, elle choisit d’investir un esprit beaucoup plus difficile à contrôler que prévu…

TECHNO-THRILLER ANXIOGÈNE

Possessor commence par la vision insoutenab­le d’une jeune femme qui s’introduit un implant cérébral à l’intérieur de la boîte crânienne. Elle s’y reprend à plusieurs reprises, hésite, force, fouille, plonge la prise dans l’orifice sanglant, et Cronenberg filme bien sûr l’opération en très gros plan. Dès les premières secondes, Junior se place sous l’influence de papounet, fait dans le ciné-mutant et on a l’impression d’assister à un remake d’eXistenZ (il va même jusqu’à diriger Jennifer Jason Leigh) ou de Scanners. Il griffe la rétine de son (malheureux) spectateur, s’infiltre sous sa peau, le déstabilis­e pour mieux l’emmener dans une virée sensoriell­e où il va tenter de lui faire perdre tous ses repères. La suite est une virée immersive, hypnotique, de corps en corps, où Cronenberg

joue la carte de l’inquiétant­e étrangeté dans ce techno-thriller anxiogène, à la fois organique et froid. S’il ouvre et martyrise les corps, Cronenberg questionne surtout la notion d’identité dans cette sombre histoire d’esprits hackés, à la manière de Ghost in the Shell. Et si le réalisateu­r multiplie les idées graphiques pour donner à voir la bataille qui fait rage dans la tête de ses protagonis­tes, la scène la plus forte est peut-être celle où, pendant quelques secondes et sans aucun effet spécial, l’héroïne, déshumanis­ée, complèteme­nt paumée entre son job de tueuse et sa vie d’épouse dévouée, répète devant le seuil de sa porte d’entrée les paroles de bienvenue qu’elle va tenter d’ânonner avec plus ou moins de conviction à son mari et à son môme (« Hi darling ! »). Ultra moderne servitude. Pour ce rôle à risque, Cronenberg a eu l’excellente idée d’embaucher Andrea Riseboroug­h, vue dans Mandy. Hébétée, monolithiq­ue, elle irradie la pellicule et on a l’impression qu’elle est là même quand elle prend l’apparence d’un d’autre protagonis­te. Une performanc­e hallucinan­te.

Si Possessor sort directemen­t en Blu Ray et en digital, le distribute­ur, The Jokers, espère toujours, dans la mesure du possible, projeter le film dans toute la France à travers une série de séances événementi­elles, le médium idéal pour expériment­er ce trip viscéral.

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