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ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE, BOSS DU PAGE-TURNER À LA FRANÇAISE

Dans son nouveau roman Les Jours heureux , elle démontre une fois de plus sa maîtrise des codes du grand roman populaire à l’américaine. Portrait d’une auteure paradoxale.

- ADÉLAÏDE DU TONNERRE _ La Jane Austen du sexe, drogue et jet set.©Baltel/SIPA

LES JOURS HEUREUX

ADÉLAÏDE DE CLERMONT-TONNERRE (Grasset, 440 pages, 22 €)

Femme moderne au nom ancien, normalienn­e et patronne de

Point de Vue, le journal des têtes couronnées, Adélaïde de Clermont-Tonnerre a quelque chose d’oxymorique. Elle a un côté princesse trash que l’on retrouve dans ses romans à l'américaine pleins de rebondisse­ments, de violence ou même de jumeaux

maléfiques. « J’essaie d’écrire les livres que j’aime lire, tout bêtement. J’aime les romans qui nous embarquent, qui nous emportent. Comme les romans américains actuels, qui d'ailleurs ont inspiré des grands romans français du XIXe siècle. »

Dans son nouveau livre, Les Jours heureux, elle fait le portrait d’un couple de cinéastes français mythiques, vus par leur fils unique. « J’ai pensé au fils de Françoise Sagan qui a accepté un héritage constitué d’une montagne de dettes d’une mère qui, à minima, l’a mal aimé. Quel bonheur, et quelle malédictio­n. » À travers les yeux de ce narrateur qui se demande : « Comment il va

écrire sa vie à lui », elle fait le portrait d’une génération qui « n’était pas tournée vers le passé, parce que le passé était ce que l’humanité avait connu de pire. Ils étaient dans une fuite vers le nouveau monde, les drogues, l’oubli, tout ce qui permettait de ne pas penser aux années 30 et 40. Alors que nous sommes dans une démarche totalement inverse, fascinés par les années 60 et 70 et effrayés par le monde de maintenant. »

Quand on fait remarquer à Adélaïde de Clermont-Tonnerre que sa courte biographie sur le rabat de la couverture ne fait pas mention de son métier de journalist­e people elle s’en explique facilement : « Comme dans mes livres, les personnage­s qu’on suit dans Point de Vue sont éminemment romanesque­s, les Windsor sont les Atrides 2021. Mais mes romans sont assez libres, sur les questions amoureuses notamment, et je ne suis pas sûre que ça correspond­e à tous les publics qui s’intéressen­t à la reine d'Angleterre. »

FÉMINISTE ÉPIDERMIQU­E

Son premier roman, Fourrure, qui racontait le destin d’une fille de Madame Claude, a obtenu le Prix Maison de la Presse. Puis Le Dernier des nôtres, qui nous emmenait dans l’effervesce­nce des fêtes newyorkais­es de la fin des années 60 où l’on croisait un jeune promoteur qui évoquait Donald Trump, a été récompensé par le Prix de l’Académie française et s’est vendu à plus de 300 000 exemplaire­s. « C’est les libraires qui les ont aimés et défendus constate-elle modeste. Une fois qu’un livre est fini, j’ai l’impression de ne plus y être pour rien. Mon plaisir c’est qu’il vive sans moi. »

Une féministe plus épidermiqu­e de militante. « Dans Fourrure, Zita a été abusée enfant, dans le suivant je lève le voile sur les bordels du IIIe Reich, et le personnage de W dont tout le monde sait que c’est Weinstein est au centre de mon nouveau roman. » Lorsqu’on la taquine sur sa volonté de faire entrer au chaussepie­d toute l’époque dans chacun de ses livres, elle ne s’en défend pas. « J’ai un appétit extrêmemen­t vaste et je sais que, de temps en temps, j’en fais trop. Mais c’est malgré moi. En France, nous avons un rapport ambigu au plaisir et particuliè­rement au plaisir de lecture. Si on prend son pied, c’est que ça ne doit pas être très littéraire. » Avouons qu'on a pris notre pied avec Les jours heureux et qu’on l’a trouvé convainqua­nt d’un point de vue littéraire. JACQUES BRAUNSTEIN

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