RENNES, CAPITALE DU ROCK
Regard perçant et veste en cuir noire, Mona Soyoc, la femme la plus fantasque du rock français, revient sur ses souvenirs avec KaS Product et nous livre ses prochains projets…
On le sait, la France ne carbure désormais qu’au rap. Toute la France? Non ! Une ville d’irréductibles rockeurs résiste encore et toujours… « Si l’on compare à d’autres villes françaises, Rennes a bien plus d’assos dédiées au live, bien plus de groupes de rock aussi, avec une énergie qui ne s’arrête jamais », s’enflamme Sebastien Blanchais, le patron stakhanoviste de Beast Records également disquaire, Rockin’bones (7, rue de la Motte Fablet, 35000 Rennes). Dernier bastion d’un certain esprit rock en France, la ville des légendaires Marquis de Sade ne se limite donc pas au troll-rap de Lorenzo. Ses acteurs semblent s’être donnés le mot pour faire de 2021, l’année rock de la ville. Mona Soyoc, la chanteuse toujours aussi électrisante du duo cold-wave KaS product, remet le couvert avec la sortie de Tribute, compilation de 18 titres incluant des inédits issues de K7 et enregistrements de l’époque et dont la sortie est prévue à l’automne 2021. S’ensuivra une série de concerts avec sa nouvelle formation « KaS Product Reload » ou elle sera accompagné d’artistes rennais.
Parallèlement elle collabore au sein du duo Mellano-Soyoc depuis 2019 avec le guitariste Olivier Mellano, originaire de Rennes, compositeur prolifique, aux multiples expériences (Brendan Perry, Miossec, Dominique A.). Leur premier concert en off des Trans Musicales 2019 a créé une « fan base » impatiente. Leur premier album Alive sortira au printemps 2022.
Parmi les plus jeunes (plus nombreux à se consacrer au bon vieux rock qu’ailleurs dans le pays), Clavicule réussit à imposer son garage « made in Brittany » depuis la sortie de son Garage is dead (Beast records/ Open up and bleed records) en 2019… et parmi les indestructibles, le trio Wolfoni également sur le label Beast records perpétue l’esprit du rock originel (North Coast Killers, sortie en juillet 2021), avec son généreux mélange de rockabilly et de blues-rock. On n'oubliera pas dans ce panorama rennais le rock orchestral à géométrie variable des Monty Picon. Combo cuivré dont le dernier album Le sens de l’envie, sorti en 2019, en dit long sur l’état d’esprit qui persiste à les animer. « le Rock Désalternatif » de Monty Picon déssoiffe depuis quinze ans les scènes de France, de Belgique et d’Allemagne avec toujours la même énergie contagieuse.Les causes de cette exception breizh ? « Dans les années 1970 et au début des années 1980, énormément de jeunes d’ici prenaient le ferry et se rendaient à Londres
pour des concerts, rappelle Cédric Bochu, programmateur passionné du festival I’m From Rennes. Cette culture est donc arrivée ici de manière organique et c’est quelque chose qui nous est resté. ». Aujourd’hui, cet héritage perdure : les bars, cafés concerts, associations et labels participent à l’enthousiasme du public pour le rock. Leur lieu de culte ? Le légendaire Ubu, géré par les Trans Musicales de Rennes. Leur rituel ? Les concerts, les concerts, les concerts. Leurs us et coutumes ? Croiser d’autres passionnés dans le centre-ville, traîner dans l’un de ces bars rock et y débattre des mérites des derniers vinyles ramenés de chez Rockin’ Bones… Rock’s not dead, plijadur !
C’EST L’EXCEPTION BRETONNE : ALORS QUE LE RESTE DU PAYS S’EST MIS MASSIVEMENT AUX MUSIQUES URBAINES, UNE VILLE DE 220 000 HABITANTS TIENT BON. RENCONTRE AVEC LES RENNAIS LES PLUS ROCK.
Mona Soyoc : C'est surtout en 2012 qu'on s'est remis en scène, parce qu'on a décidé de réaccorder nos violons, on s'est dit qu'on allait leur en remettre une couche. On n'a pas fini, parce que même si Spatsz n'est plus là ,il me souffle de continuer. On a encore plus d'un tour dans notre sac.
« So young but so cold », ça résume votre jeunesse ?
Oui, si jeune et si froid signifie qu'on regarde le monde dans toute sa froideur et dans toute son aliénation avec discernement à un âge si jeune.
Vos inspirations actuelles ?
Mes inspirations actuelles sont divines – dit-elle paumes vers le ciel –, je me sens assez illuminée (rires).
Elles sont assez diverses, je dirais qu'elles sont intérieures et perpétuellement en développement. C'est un mélange de tripes et de dimensions psychés ou cellulaires, voire microcosmiques et éternelles.
Elle était comment la scène des années 1980 ?
La scène des années 1980 ? Vachement différente ! Déjà, il y avait une prise d'assaut des médias, il y avait tellement de radios libres, les mecs installaient des radios partout ! Ils interviewaient qui ils voulaient, on faisait des blagues à qui on voulait. On était irrévérencieux, encore moins politiquement correct. Mais on compte bien retourner la situation, on va faire revenir les années 1980, c'est pas fini, malgré ce que l'on veut vous faire croire ! Il faut savoir que j'ai grandi avec George Orwell; j'ai vu Animal Farm à l'âge de 7 ans. C'est le genre d'influence qui m'a remise droit dans mes bottes. Donc j'ai déboulé lucide dans ces années là. Ensuite, je rappelle que l'un des premiers morceaux de KaS Product s'appelle « Mind »: Le mind control, le lavage de cerveau est tellement omnipresent. « Fuck you big Brother ! ».
Des projets pour l’avenir ?
J'en ai plein ! Justement c'est ce qui me fait penser que je vais vivre éternellement : j'ai trop de projets. Pour commencer, un jardin potager. Ensuite, m'occuper des petits enfants (rires)… Par contre en matière de projets musicaux, il y a Mellano-Soyoc, avec Olivier Mellano ; un duo hypnotique qui me tient vraiment à coeur, qui est sorti des profondeurs de nos psychés. On pourrait appeler ça du punk chamanique ou de la transe gothique. C'est universel et ça fait pleurer les hommes. Et puis, KaS Product a de nouveau une actualité discographique avec Tribute, compilation CD media-book incluant des titres inédits et enrichie de photos rares et textes de personnalités de la presse musicale, qui ont accompagné notre carrière (sortie cet automne, ndlr). De plus, des concerts sont prévus car j'ai reconfiguré le groupe – parce que je ne peux pas remplacer Spatsz donc je ne mets personne au clavier. Ça va envoyer du lourd !