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CLARA ET LES CHICS TYPES

Entourée de Sage, Breakbot et Pierrick Devin, Clara Luciani a tricoté un disque de fashion pop calibré pour les gens proprets. Les va-nu-pieds peuvent retourner écouter Television Personalit­ies.

- LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCA­ULD

COEUR

CLARA LUCIANI

(ROMANCE MUSIQUE/UNIVERSAL)

Le nouvel album de Clara Luciani a été lancé par le single « Le reste », avec un joli clip tourné à Sanary-sur-Mer, lieu de villégiatu­re très branché depuis janvier dernier grâce à Olivier Duhamel – c’est là que le politologu­e coquin possède son domaine. Belle lumière, nombreux figurants, vêtements élégants, on sent que la vidéo n’a pas été réalisée à l’arrache, ce que confirment les crédits, interminab­les. En les détaillant avec attention, on y lit cette phrase : « Un grand merci à Gucci pour le stylisme de Clara Luciani. » La pop se voulait jadis contre-culturelle, poil-à-gratter, il est aujourd’hui de bon ton de hurler sa gratitude à la famille Pinault, comme Leïla Slimani dans son dernier livre écrit à la Punta della Dogana. Outre Gucci, une trentaine de marques ont droit aux mêmes égards de la part de la chanteuse, dont Claudie Pierlot, De Fursac, Eric Bompard, Maje, Sézane, Sonia Rykiel… On ne reprochera pas à Clara Luciani de servir ainsi de porte-manteau, cette activité doit être agréable quand on aime s’habiller. Mais le dressing fait-il le songwritin­g ? Telle est notre question.

UNE SOUPE SOPHISTIQU­ÉE

Suivant de près la mode, qui est in et qui est out, la Caroline de Maigret de Martigues ne pouvait s’entourer pour son disque que d’une équipe très tendance. Elle n’a pas trouvé ses collaborat­eurs au Secours Catholique. Avec Pierrick Devin, Breakbot et Sage, elle a monté le trio idéal pour le casse qui fait rêver les filiales de majors : avoir la crédibilit­é indé tout en draguant le grand public, faire plaisir à Didier Varrod – et rafler quelques Victoires de la Musique de plus. C’est la culture bobo dans toute son horreur : arriver à nous faire gober qu’est un gros plouc quiconque ne raffole pas du produit snob de saison, qu’il s’agisse du panais ou de Christine & The Queens. Réputée lettrée, Clara Luciani va plus loin dans l’imposture pseudo intello. Sur Coeur, une chanson s’appelle « La place » en hommage à Annie Ernaux (écrivain qu’il est pourtant difficile de prendre au sérieux après la classe de CP). Vantée comme une parolière du tonnerre, l’égérie Gucci était récemment invitée de « La Grande Table » sur France Culture. Elle y disséquait ses textes en se prenant pour Louise Labé. Être la championne du placement de produit n’empêche pas d’être aussi une poétesse sympa, qui fait des petites blagues en interview. Quand on écoute sa musique, en revanche, on ne rigole plus. C’est plutôt bien fabriqué mais tout sonne faux. On n’en a strictemen­t rien à foutre de cette soupe sophistiqu­ée qui ne raconte rien sur rien. Clara Luciani a beau prendre sa voix la plus grave, personne n’est dupe. Les pistes défilent. On touche le fond de la piscine avec le huitième morceau. Il s’agit d’un duo avec Julien Doré – tout est dit. Comment peut-on s’afficher avec un pitre pareil ? C’est compromett­ant. À l’arrivée, l’intimidati­on fonctionne : à l’heure où nous tapons ces lignes, Clara Luciani est en têtes des ventes FNAC, devant Jul. Un grand merci à Gucci et à Olivier Duhamel ?

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