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« LAISSEZMOI FAIRE, MONSIEUR LE PRÉSIDENT... »

- BERTRAND BURGALAT

Grand spécialist­e des scoops et des combines en tout genre, aussi à l'aise dans les salons du Raphaël que les cellules de la Santé, ce journalist­e reconverti dans les affaires balance enfin ses mémoires. Toujours au mauvais endroit au bon moment (la rétractati­on de Takieddine démarre dans son bistrot préféré de l'avenue Mozart, le come-back de Benalla se fait dans son salon...), Marc Francelet, 74 ans, se retrouve ce mois-ci devant le micro de notre interviewe­ur politique... Le coup de trop ?

Quand Julien Bayou fait un tour d’honneur dans le Marais après avoir pris une veste, que 3% du corps électoral vient de voter pour le parti au pouvoir, que des magistrats se rendent place Vendôme perquisiti­onner un garde des Sceaux battu, que la mise en examen par le Parquet national financier devient un signe extérieur de richesse, que la conseillèr­e en disgrâce d’un Président de la République dort en prison et que les discours politiques semblent inspirés par Michel Serrault dans La Gueule de l’autre, il est temps de demander audience à Marc Francelet. Entre Foccart et Foc Kan, c’est le Bob Denard des relations publiques. Attaché de presse des frères Zemour, sparring-partner de Françoise Sagan, homme de compagnie de Bébel, témoin de moralité de Johnny, conseil en gestion de patrimoine du Président angolais Dos Santos, il a mitraillé le Général de Gaulle à 17 ans, connu l’époque des Aston Martin sur le parking de Paris Match et ses reporters qui passaient indifférem­ment de la guerre du Biafra aux oiseaux de Camargue. Son livre, L’Aventurier, est hyper bien écrit, c’est un page-turner, une fois qu’il nous a accrochés on ne peut plus le lâcher. Cet été sur la plage on ne doit voir que cette couverture-là, comme Society l’an dernier avec Dupont de Ligonnès. La maquette ressemble à une VHS René Chateau, on nage effectivem­ent en pleine production Cerito Films période Carlos Sotto Mayor, avec ses intermédia­ires louches, potentats cruels et personnage­s hauts en couleur, dont l’auteur. Sa belle langue, dont la truculence et les métaphores sexuelles produisent toujours leur petit effet dans un dossier d’instructio­n, ferait passer Bernard Tapie pour un pilier des Cahiers du cinéma.Notre grand témoin s’apprête à quitter Paris pour Biarritz. L’appartemen­t de nabab, dans une élégante voie privée du 16e arrondisse­ment (il faut même un code pour en sortir) jonché de cartons, deux Basquiat, un Liechtenst­ein et un Rockwell patientent sur les murs. J’espère qu’il ne va pas les oublier. Lorsque nous lui rendons visite nous ne mesurons pas qu’il est encore mêlé à un sérieux pataquès politico-judiciaire, avec la surrétract­ation de Ziad Takieddine. « T’occupe, j’vais t’arranger un coup ». Tel un personnage de Gérard de Villiers, Marco dégrafa son pantalon d’alpaga et prononça sa phrase magique, prélude à tous les crapahutag­es : « Y’a peut-être un truc qui est pas mal… »

Quand on lit votre livre, ce qui frappe ce n’est pas qu’à chaque période vous naviguez entre le journalism­e, la politique, l’art, le showbiz, les affaires de toutes sortes, mais votre capacité d’admiration et de vous lier avec des personnage­s intéressan­ts, du Général Lacaze à Patrick Devedjian.

Marc Francelet : Devedjian, ça a été un très, très bon copain pendant des années. Pendant que j'étais en prison pour l'affaire Pétridès, il était effectivem­ent mon avocat puisqu'il était le grouillot du cabinet de Jean-Baptiste Biaggi. Donc c'est lui qui venait me voir. Quand vous avez un avocat qui vient vous voir toutes les semaines en prison, croyez-moi que vous ne le lâchez pas, parce que ça vous change un peu les idées. J'étais devenu très copain avec lui comme ça. À un moment donné, après neuf mois, il y a le juge d'instructio­n qui dit à Devedjian : « Dites-moi, si les deux tableaux qui manquent venaient à réapparaît­re, j'envisagera­i la remise en liberté de votre client ». (Francelet avait été arrêté pour son rôle dans la revente d'un lot d'Utrillo volés, ainsi que deux Sisley qui n'avaient pas encore été retrouvés, ndlr). Et donc je dis à Devedjian d'aller en Suisse ouvrir mon coffre à Genève et de récupérer les tableaux pour les ramener au juge.

Vous lui demandez de ramener, en plus des tableaux, 400 000 francs en espèces...

Que je n'ai jamais revus ! En sortant de prison, il me dit : « C'est comme ça que j'ai pu ouvrir mon cabinet ! » Je lui ai dit : « Si tu me l'avais demandé tout simplement, je t'aurais dit oui ».

Mais il a fallu qu'il me les barbotte !

Et c’était quoi, le RPR des Hauts-de-Seine à l’époque ? Aussi borderline que ça en avait l’air ?

Ce n'est pas qu'ils étaient malhonnête­s. Prenez l'exemple de Pasqua. Ces gens-là, à un moment donné, ils ont trop de pouvoir. Du temps de Pasqua, il y avait des cartes : des petits cartons comme ça qu'on avait dans la poche, des cartons du Service d'Action Civique (le SAC, la « police parallèle » sous De Gaulle, ndlr). C'était une véritable carte, comme une carte d'identité, et quand tu présentais ça aux flics, c'est comme si tu avais la Légion d'honneur, ils te laissaient repartir. (Rires.)

C’est marrant, à l’époque le SAC je les prenais pour des beaufs, je me souviens d’avoir été assez insolent avec eux, avec Gilbert Lecavelier notamment, ce n’est que plus tard que j’ai mesuré leur dangerosit­é. Vous l’aviez, la carte ?

Oui. Ça a duré deux ans et à un moment ils nous ont dit de les rendre. Donc quand il y avait le pouvoir politique qui était derrière toi, c'était incroyable.

C’est un truc qui ne change pas. Quand les politiques arrivent au pouvoir, comme les artistes qui viennent de faire un tube, ils ont un melon énorme, l’impression d’avoir la science infuse. Les policiers les saluent, c’est l’État. Comme avec la chirurgie esthétique, les malversati­ons ne se voient pas tout de suite. Ils sont toujours indignés par celles des autres et il y a une grande latence entre les actes et les conséquenc­es judiciaire­s.

Je vais vous raconter une histoire qui va vous faire marrer, elle s'est passée il y a huit jours et elle a en ce moment un retentisse­ment énorme. Figurez-vous que je vais tous les midi à une brasserie de l'avenue Mozart. J'ai l'habitude d'aller là pour boire un coup avant le déjeuner. Et je vois pendant une dizaine de jours une fille qui me regarde, elle doit avoir une quarantain­e d'années, elle cherche visiblemen­t à entrer en contact avec moi. Un ami finit par me la présenter en me disant qu'elle est dans la « communicat­ion internatio­nale ». Elle s'appelle Anne, elle me dit : « Vous savez, je m'occupe de Takieddine » (l'intermédia­ire lié à plusieurs affaires de ventes d'armes et de commission­s, ndlr). Elle me dit qu'il est à Paris, pas au Liban et qu'il voudrait voir Gattegno (Hervé Gattegno, le journalist­e à la tête du JDD et de Paris Match, ndlr). S'organise un rendez-vous dans le bureau d'une avocate place Vendôme où il devait y avoir Takieddine. Sauf qu'il ne vient pas : il est en visioconfé­rence, il dit qu'il avait peur que les flics débarquent pour l'arrêter. Gattegno fait quinze lignes dans le JDD : Takieddine n'avait rien dit. Et puis cette fille me poursuit en me disant qu'il veut dire des choses formidable­s devant le notaire, qu'il a des preuves. Moi j'en parle à Mimi Marchand et elle envoie un photograph­e de son agence sur place, au Liban. Il le retrouve là-bas, fait des photos. Ça a l'air intéressan­t donc Gattegno envoie un type faire l'interview là-bas. Puis tout le monde rentre à Paris et bizarremen­t la fille en question disparaît complément. Puis le papier passe et ça déclenche le bordel qu'on connait actuelleme­nt, à savoir que Takieddine aurait reçu du pognon pour dire ça (en novembre 2020, Ziad Takieddine donne une interview à Paris Match dans laquelle il retire ses accusation­s de financemen­t libyen de la campagne présidenti­elle de Nicolas Sarkozy, ndlr). Alors qu'il n'y a jamais eu de pognon pour Sarko !

Et votre experte en « communicat­ion internatio­nale » ?

J'apprends qu'elle est en bisbille avec celui qui a monté cette opération de déstabilis­ation.

Mais quel serait le but de cette opération ?

Premièreme­nt, de discrédite­r Gattegno et lui faire perdre sa place. Et de mettre Sarko dans le coup de cette histoire pourrie. C'est ce qui se passe en ce moment. Donc c'est une déstabilis­ation politique de Sarkozy parce que même s' il n'est plus Président, il a toujours le pouvoir de nuisance.

Ce qui est surprenant dans cette affaire, c’est qu’elle fasse autant de bruit, dans un sens comme dans l’autre, alors que Takieddine, c’est un peu le Myriam Badaoui des intermédia­ires, le temps que le greffier imprime sa version il en a déjà changé...

La véritable histoire, c'est celle du juge Tournaire. Tournaire fait une promesse à Takieddine : il lui dit qu'il va lui rendre sa maison et neuf millions de dollars qu'il a bloqués au Liban s'il charge Sarko. Parce que Tournaire, il voulait la peau véritablem­ent de Sarko. (Le juge Tournaire réfute l'intégralit­é des accusation­s de Takieddine, ndlr.)

Est-ce qu’il n’est pas vain de chercher à prouver des choses par nature improuvabl­es? On ne va pas retrou

ver un papier « par la présente je vous prie de verser à

Monsieur Sarkozy Nicolas la somme de… ». Sans jouer les professeur­s de vertu, le fait de travailler aujourd’hui pour Lagardère, Accor ou le Qatar tout en bénéfician­t des largesses accordées aux anciens Présidents me semble plus problémati­que.

Vous avez parfaiteme­nt raison, mais c'est toujours des questions de pouvoir. N'oubliez pas, c'est toujours des gens qui se sentent au-dessus des lois. Sarko distribuai­t des honneurs à qui il voulait. Je l'ai vu distribuer une Légion d'honneur à son tailleur.

Vous avez ce rôle d’entremette­ur qui connaît tout le monde et peut arranger des coups entre les puissants de ce monde depuis la présidence Mitterrand...

À l'époque, c'était la guerre entre la Compagnie générale des eaux et la Lyonnaise des eaux. Un jour Guy Dejouany, le président de la Générale des eaux, me dit : « Dites donc, Francelet, vous avez des relations avec Chirac ? ». Je lui réponds :

« Je ne connais que lui ! » Alors que je ne l'avais jamais vu de ma vie. (Rires.) Et il me dit : « On a un vrai souci, on risque de perdre le marché des eaux, il faut m'arranger ça avec Chirac ». Moi : « Laissez-moi faire, Monsieur le Président ». Je vais voir Michel Roussin, un type extra qui se trouvait être le directeur de cabinet de Chirac (pendant la première cohabitati­on Mitterrand-Chirac, ndlr). Il voit que je suis de bonne foi et il m'arrange le coup avec Chirac. Je ne le vois pas Chirac, mais Jean-Marc Oury de la Générale des eaux va le voir et en trois jours, toute l'affaire est réglée. C'était le genre d'opération que je faisais...

Votre livre est riche en anecdotes sur vos amis les plus célèbres...

Jeune photograph­e-journalist­e, j'ai fait des scoops et j'ai connu des gens, que ce soit Sagan, Belmondo, Johnny, Ariel Sharon... Ça a été ma vie, tout le temps. J'étais un homme de coups. Et à chaque fois, on m'apportait une autre affaire. Quand j'ai réussi l'affaire au Salvador, ça s'est su (une histoire de vente d'hélicoptèr­es à un despote sous embargo internatio­nal, ndlr). Bon, après en Israël, j'avais de bons contacts parce que j'avais fait la guerre des Six jours et j'avais été très copain avec un journalist­e important qui m'a fait connaître Sharon. C'est que des histoires comme ça. Et c'est pour ça que me suis dit : il faut que je fasse un bouquin.

Vous avez eu des retours des intéressés ?

Personne.

Pas même Jean-Paul Belmondo ?

Personne. À la fin, ces gens-là, c'est comme si j'étais leur chose. Parce qu'ils sont persuadés du fait que tu es avec eux, que tu leur appartiens. J'ai connu ça avec Jean-Paul, une amitié qui a occupé quinze ans de ma vie, pour ne pas dire vingt. Ça a été la même chose avec Hallyday, quarante ans de ma vie. Donc à un moment donné, ils se foutent de toi, il n'y a que leur ego. Et ils peuvent te faire très mal. Moi, Johnny, m'a fait très mal parce qu'il y a eu l'histoire dans laquelle il devait aller en prison (il avait été accusé de viol en 2003, ndlr). Son

avocat, Vaconsin, était à Nice, il est allé voir le dossier, tout à fait par hasard, chez le juge Montgolfie­r. Et Montgolfie­r lui dit : « La semaine prochaine je vais mettre votre client en détention ». Vaconsin m'appelle de Nice et me dit qu'il veut me voir. Donc on se retrouve le soir à 19 heures à l'hôtel Raphaël. Il me dit que Montgolfie­r veut mettre Johnny au trou. Et là il y a quelque chose qui peut le sauver, c'est de faire un article sur le juge Montgolfie­r. Il avait gagné contre Tapie, il voulait faire sa pub. Donc je suis allé voir Franz (Olivier Giesbert, ndlr), directeur du Point à l'époque, en lui expliquant toute l'histoire et il a envoyé deux grands journalist­es, Jacquier et Léger, qui ont fait l'enquête. Au bout de trois jours ils se sont aperçus que tout était pourri. Donc on a fait une double page sur le procureur épinglé. Et grâce à cet article, il n'y a pas eu de convocatio­n de Johnny... Après, quand Johnny a su comment ça s'était passé, il est venu me rejoindre au Raphaël et m'a sauté dans les bras. Il pleurait en me disant : « Tu es mon frère… ». C'était à ce niveau-là. Et quelques mois après, Jacquier et Léger refont un article, pas sympa, sur le business de Johnny. Je n'y étais pour rien. Johnny m'envoie un texto en me disant : « Va au diable ». Ils pensent que quand tu leur fais un bon papier, le journal est à toi…

Autre coup médiatique : la première interview d’Alexandre Benalla, donnée au Monde, après l’affaire de la place de la Contrescar­pe.

À vrai dire, je n'avais jamais rencontré Benalla, par contre je connaissai­s Macron. Un jour, je croise Henry Hermand

(influent homme d'affaires, figure de la gauche progressis­te, ndlr)

au Maroc, que je connaissai­s un peu. Il me dit de venir dîner chez lui le soir, qu'il me présentera quelqu'un qui ira loin : c'était Macron. On passe une soirée extraordin­aire, je ne prends même pas sa carte. On ne se revoit pas. Puis arrive l'affaire Benalla et je me dis : ils attaquent Macron. J'ai rapidement compris que toute l'affaire Benalla avait été montée par un chef de cabinet du ministère de l'intérieur de l'époque, qui avait donné à Ariane Chemin l'enregistre­ment du film.

Pourquoi ?

Ils ont monté le coup parce qu'ils en avaient marre de Benalla, qui passait sa vie avec Macron. Il avait pris une telle importance que les gens passaient directemen­t par lui !

Il y a une constante dans ces échelons de pouvoir : ce sont des mecs un peu culottés et insolents qui arrivent à faire croire aux puissants qu’ils sont entourés de béni-oui-oui…

(Interrompa­nt) C'est typiquemen­t ça. Ils ne racontent que des choses complèteme­nt bidons, ces gens-là. Et Benalla, c'est un peu pareil : il est arrivé et il l'a séduit. Exemple con : il s'est aperçu que Macron aimait les petites viennoiser­ies. Quand ils étaient dans le Sud, il se réveillait à 5 heures du matin pour lui faire faire des petits croissants. Et ça donne des trucs complèteme­nt stupides !

Je vois régulièrem­ent passer des articles dans Match ou le JDD sur les tours Hermitage à La Défense et je me demande : est-ce que ce n’est pas encore un coup de Francelet ? Je me dis : qui est-ce qui l’arrose pour qu’on parle de ce projet foireux ?

Je vais vous raconter un truc incroyable : un jour, j'avais fait obtenir à Match, pour une secrétaire qui divorçait, par Patrick Balkany, un logement à Levallois. Et cinq ans après, je suis en train de déjeuner au restaurant dans l'immeuble François Ier, et on me dit : « Quand tu as fini de déjeuner, il y a Daniel Filipacchi qui voudrait te voir ». Je réponds que j'ai fini de déjeuner, je monte illico voir Daniel, qui me demande si je suis toujours copain avec Balkany. Je lui demande comment il le sait, et il me ressort l'histoire de cette secrétaire, qui avait, à l'époque, fait beaucoup de bruit dans le journal, parce que tout le monde voulait avoir des appartemen­ts à Levallois ! Il me dit qu'il aimerait bien dîner ou déjeuner avec lui parce qu'il voudrait construire une tour de 140 000 m2 et qu'il hésite entre Courbevoie et Levallois. J'appelle Patrick qui, ravi, me dit qu'il voudrait le connaître, que c'est formidable. Deux jours après, on dîne tous les trois au Fouquet's, il explique le projet, ils négocient les options : la fibre optique, pas la fibre optique, ce qui s'arrangeait entre maire et promoteur… Et ils ont fait

la tour Filipacchi !

Filipacchi, vous le connaissie­z du temps où vous vendiez des scoops à ses titres ?

Absolument. Un jour, je suis en prison et, dans la cour, il y a un type qui tourne. À chaque fois qu'il passe, il se prend des coups dans la gueule. Je me demande ce qu'il a bien pu balancer, quelle ordure c'est. Un des mecs m'explique : « Mais tu sais, c'est celui qui a mis son gosse dans un placard pendant deux ans ». Je le chope, je vais voir le directeur et j'obtiens de le monter en cellule avec moi afin de le protéger. Et là, il me sort son portefeuil­le dans lequel il y avait toutes les photos du gosse. Du coup, j'avais le reportage écrit par lui, plus toutes les photos ! Un truc de fou. Je sortais quinze jours après : je fais envoyer les photos chez mon avocat le vendredi et je sortais le lundi. Je monte là-bas, l'enveloppe était sur le paillasson, je prends le truc, je donne l'article à Jean-Michel Caradec'h (responsabl­e des faits divers à Paris Match dans les années 1980, ndlr). Il me dit : « Putain, c'est incroyable, combien tu vas vendre ça ? Au moins cinq briques ? », « Non, au moins 50. » 50 millions d'anciens francs. Finalement je descends à 40. La couverture est prévue, dix pages intérieure­s et Filipacchi m'appelle entretemps et dit : « Tu me prends pour un con ? Tu penses que tu vas continuer à leur vendre des coups à 40 millions ? ». Je monte le voir dans son bureau et lui raconte toute l'histoire de la prison, comment j'ai dû prendre le mec sous mon aile, etc. Et il adore ça, les histoires de voyous. Alors il me dit : « Écoute-moi bien, je te file tout de suite un chèque de 20. Et à 18 heures on se retrouve au drugstore en-dessous et je te file les 20 qui restent en cash. » Que ses collaborat­eurs ne s'habituent pas à payer les scoops trop chers !

Vous avez fait plusieurs séjours en prison, vous pestez dans votre livre contre ceux qui vous y ont envoyé…

Y-a t-il des magistrats qui vous ont laissé un bon souvenir ?

Émile Cabié, qui avait instruit toute l'affaire Pétridès pendant des années. Je ne voulais pas que mon fils, très jeune, vienne en prison me voir. Ce magistrat me dit un jour qu'on va organiser une instructio­n avec lui et que je pourrai voir mon fils. Est donc née une confiance inouïe entre lui et moi autour de mon fils, que je n'avais pas vu depuis un ou deux ans. Je revois mon fils, il était habillé de toutes les couleurs, et ça je ne l'ai jamais oublié. Et puis, dans son instructio­n, j'ai pu joindre les garçons qui avaient fait le braquage. Grâce à lui, l'affaire a été réglée. Je leur ai dit : vous renvoyez les tableaux et je dirai aux juges où ils sont, dans une consigne gare Saint-Lazare. On donne la clef au juge, il m'a mis dehors une semaine après, c'était réglé ! Un an se passe, je suis à Miami avec les Zemour et j'appelle le juge qui me dit « Comment ça va ? Où êtes-vous ? », il me dit de l'appeler quand je rentre. Je l'appelle, il me demande de venir le lendemain vers 11 heures, sans avocat, au Palais de justice, bureaux des juges d'instructio­n. Cabié me montre une plaque qu'il s'apprête à poser avec écrit dessus « premier juge d'instructio­n », il me dit que c'est grâce à moi ! Et on la fixe ensemble sur la porte.

C’est quoi les prochains coups ?

Je suis en plein déménageme­nt, je m'installe à Biarritz, je voudrais finir ma vie là-bas.

Les affaires, c’est fini ?

Oui, pour de bon...

L’Aventurier avec la collaborat­ion de Jean-François Kervéan, (Le Cherche-Midi, 364 pags, 20 €)

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FUNNY MAN_ Le génie de Marc Francelet ? Être capable de raconter des histoires de malversati­ons dans des pays exotiques comme s'il s'agissait de roman de San Antonio.
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