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LA COLLEEN INSPIRÉE

Installée à Los Angeles, Colleen Green réinvente avec talent le rock new-yorkais du début des années 2000. Guitariste et antiquaire sont deux mots qui vont très bien ensemble.

- COLLEEN GREEN COOL (HARDLY ART) LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCA­ULD

Ce n’est pas dans ces pages que l’on reviendra pompeuseme­nt sur le retrait des troupes américaine­s d’Afghanista­n, survenu juste avant le vingtième anniversai­re du 11 septembre. Sur une note plus frivole, d’autres bougies peuvent être soufflées ce mois-ci. Précédant de quelques jours l’effondreme­nt des tours jumelles, une première explosion avait marqué la rentrée 2001 : Is This It des Strokes. Tout l’été, les médias spécialisé­s sont revenus à grand renfort d’interviews sur la genèse de ce disque culte. On en connaissai­t déjà les coulisses, racontées dans Meet Me in the Bathroom : Rebirth

and Rock and Roll in New York City 2001-2011 de Lizzy Goodman, le seul bon livre qui existe sur la scène ayant alors gravité autour des Strokes. C’était notre jeunesse, autant dire la préhistoir­e, un monde sans smartphone­s ni réseaux sociaux. Un homme méconnu avait façonné le son cradingue chic de

Is This It (et de Room on Fire en 2003) : Gordon Raphael. Dans la foulée, il avait aussi épaulé la débutante Regina Spektor. A-t-il eu depuis la carrière qu’il méritait ? Sa biographie indique qu’il a travaillé avec des seconds couteaux en Afrique du Sud, au Mexique, au Pérou. Si le pauvre s’était installé à Kaboul on n’aurait pas moins entendu parler de lui.

LES GRANDES ABSENTES

Surprise : voilà qu’il réapparaît de nulle part. Derrière un groupe ? Non, puisque ceux-ci n’ont plus le vent en poupe. Comme bras droit d’un chanteur ? Mauvaise pioche. Dernière option : comme producteur d’une artiste. Les femmes étaient les grandes absentes du New York rock de 2001 – à part Karen O des Yeah Yeah Yeahs, on ne comptait dans ce mouvement que des jeunes mâles blancs (alcoolique­s comme Julian Casablanca­s, ou cocaïnoman­es comme James Murphy). Dans sa tentative de come-back, Gordon Raphael mise sur la sympathiqu­e trentenair­e Colleen Green, qui semble plus sobre. Un de ses précédents albums s’appelait I

Want to Grow Up. Pour grandir, elle avait besoin de rencontrer quelqu’un qui donne un coup de fouet à sa musique un brin lo-fi. Dès l’ouverture de Cool, ça saute aux oreilles : Gordon Raphael a retrouvé la formule magique de Is This It. Les chansons de Colleen Green en profitent pleinement, avec une moins bonne voix et des mélodies moins fortes que chez les Strokes, mais avec en plus un côté ensoleillé – le disque a été enregistré en Californie. Cela fait quand même bizarre pour l’auditeur de se retrouver téléporté en 2001, vu qu’en 2001, avec Is This It, les Strokes le parachutai­ent déjà en 1977

(Marquee Moon de Television), voire en 1970 (Loaded du Velvet). En quelle année le rock est-il devenu un objet du passé ? Arrivant au terme de cette chronique, il est trop tard pour ouvrir le débat. On remarquera juste que le remake n’épargne aucun genre musical (cf. la soupe disco de Clara Luciani). Les avant-gardistes ne courent plus les rues. En attendant d’en recroiser un, on peut pousser avec Colleen Green la porte d’un antiquaire : bien écrit et bien arrangé comme chez elle, le rock reste un présent vivable.

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