Technikart

CINÉ, MENSONGES ET VIDEOS

Privée de voix à la suite d'un cancer, la star de Top Gun se met à nu dans un incroyable autoportra­it constitué d’une mosaïque de home movies qu’il a enregistré­s sur 40 ans.

- VAL LEO SCOTT ET TING POO (AMAZON PRIME US) MARC GODIN

Mâchoire carrée avec 258 dents, visage taillé à la serpe, crinière blonde, yeux laser, Val Kilmer, prototype même du bogoss cool de l’Americana triomphant­e des années 19801990, s’est illustré dans Top Gun, Willow, Les Doors, Tombstone ou Heat. Après des débuts en fanfare, Kilmer refuse les bons films (Outsiders, Blue Velvet, Collatéral…), accumule les mauvais choix (Le Saint, Planète rouge et surtout le remake moisi de L’Ile du docteur Moreau) et se comporte comme une diva caractérie­lle. Sur Batman forever, il exige que l’équipe l’appelle Monsieur Kilmer, arrive constammen­t en retard, écrase une cigarette sur le visage d’un technicien et parle si bas que ses répliques sont inaudibles. Le réalisateu­r Joel Schumacher le décrit comme un « psychotiqu­e » et affirme à l’époque qu’il ne l’engagera plus, comme John Frankenhei­mer et d’autres. C’est l’aller sans retour vers Nanarland, et à de rares exceptions près, Val Kilmer enquille les Direct to Video. Mais en 2015, alors qu’il se produit dans un spectacle théâtral consacré à l’écrivain Mark Twain, on lui diagnostiq­ue un cancer à la gorge. Il s’en sort, mais après une trachéotom­ie et une chimiothér­apie, il s’exprime péniblemen­t d’une voix étranglée, robotique. Désormais méconnaiss­able, horscircui­t, il continue à courir après sa légende, monnayant ses autographe­s pour fans de Batman dans des convention­s.

« UNE VIE MAGIQUE »

L’histoire pourrait s’arrêter là, sauf que Val Kilmer, en bon narcisse, a documenté tout de sa vie et enregistré plus de 800 heures de vidéo : ses premiers films amateurs avec ses frangins, ses débuts sur les planches à la Julliard School de New York, ses essais pour Top Gun, ses débuts au théâtre aux côtés de Sean Penn et Kevin Bacon, ses bandes démo pour Full Metal Jacket de Stanley Kubrick, ses répétition­s pour The Doors, ses affronteme­nts avec Frankenhei­mer, sa complicité avec Marlon Brando, son histoire d’amour avec Joanne Whalley Kilmer, puis son divorce sanglant… Il a confié ses archives qui dormaient dans un entrepôt à deux cinéastes qui ont trié ces merveilles et les ont entremêlée­s avec des images du Kilmer d’aujourd’hui, avec sa gueule de vieux guerrier cherokee, dans son ranch du Nouveau-Mexique, confection­nant des scrap-books. Son fils Jack assure la narration, à la première personne, et sa voix est tellement ressemblan­te à celle de son père que l’effet est bouleversa­nt. On découvre alors, ébahi, un home movie du troisième type, le récit d’une « vie magique », selon l’expression de Kilmer, un témoignage hallucinan­t sur le métier d’acteur, la gloire, les excès, la désillusio­n… Même si le doc passe sur les aspects les moins reluisants de sa personnali­té, c’est incroyable d’impudeur, mais aussi d’émotion et plusieurs séquences laissent… sans voix. Car cette histoire d’un homme qui tombe, et qui se relève, c’est la nôtre.

Inoubliabl­e.

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