L'ÉVÉNEMENT
EN 100 MINUTES, AUDREY DIWAN TUE LE GAME ET SIGNE LE FILM LE PLUS RADICAL, LE PLUS POIGNANT DE L’ANNÉE. « J’ai fait ce film avec colère, avec envie aussi, je l’ai fait avec mon ventre, mes tripes, mon coeur et avec ma tête », a déclaré Audrey Diwan à la tribune de la Mostra de Venise, en recevant la récompense suprême. Un Lion d’or ultra-mérité puisqu’avec cette adaptation du beau roman d’Annie Ernaux, Audrey Diwan signe un des meilleurs films français de ces dernières années, un des plus intenses et sensitifs. Pour raconter l’avortement clandestin d’une étudiante modeste dans les années 1960 et faire ressentir son isolement, sa douleur, son chemin de croix, elle imagine une mise en scène radicale et immersive qui met le spectateur à la place de sa malheureuse héroïne. Avec le chef opérateur Laurent Tanguy (Le Grand Bain, Bac
Nord), elle cadre son actrice serrée, coupe toujours sa tête, son épaule, la filme de dos, l’isole des autres et du monde, déjà prisonnière du format carré de l’écran, (1.33, à l’image d’un film muet), fenêtre qui l’enferme et qui l’étouffe. Comme dans Le Fils
de Saul, le principe de mise en scène permet de vivre à 300 % ce trip au bout de l’horreur. Et quand le spectateur, effondré, baisse les yeux, incapable de supporter quelques secondes de plus ce qui est montré sur l’écran, Audrey Diwan l’achève avec un effet sonore d’outretombe.
Alors que le droit à l’avortement est remis en question dans certains pays du monde, voici un grand film politique et poétique, éclairé par la lumineuse Anamaria Vartolomei, et, dans des rôles secondaires, Pio Marmaï, Sandrine Bonnaire ou Anna Mouglalis.
Immense et essentiel.