LES ALPHAS AUX COMMANDES !
Plus intelligents, plus éduqués, plus riches... Les enfants de la génération Alpha, nés à partir de 2010, risquent bien de tous nous ringardiser.
« Si les membres de la génération Z sont des millennials sous stéroïdes, ceux de la génération Alpha sont des Gen Z alimentés au kérosène pour fusée », soutient la britannique Henry Rose Lee, experte des diversités intergénérationnelles. À peine a-t-on fini de s'intéresser à la génération Z (nés entre 1995 et 2009), qu'une nouvelle cohorte est déjà là et fait parler d'elle : la génération Alpha, plus éduquée, plus indépendante, plus intelligente, plus riche, plus tout quoi. Mais qui sont-ils ? Nés à partir de 2010, ils sont les enfants des membres de la génération Y (nés entre 1980 et 1995). Ils sont aussi la première génération à être née entièrement dans le monde numérique infusé par le web 2.0. « La génération Alpha a démarré lorsqu'on est passé de l'ordinateur fixe aux appareils mobiles qu'on emporte partout », explique Henry Rose Lee. Coïncidence ou pas, 2010 est l'année qui a vu naître le premier Ipad, mais aussi le lancement d'une certaine application Instagram. Étant la première génération à être née intégralement au XXIème siècle, les Alphas sont un peu le proto-humain 3.0. S'ils n'ont aujourd'hui pas plus de onze ans, bientôt douze, on nous promet déjà que le destin de ces GNM. (Gosses numériquement modifiés) sera remarquable. Ah oui ?
VIE NUMÉRIQUE & INDÉPENDANCE Hyper-ultra-méga-connectés, la norme de leur monde est faite de voitures autonomes, d'enceintes « intelligentes », et de proto-métavers à la Fortnite. Les Alphas seront encore plus enclins à vivre et travailler online que leurs prédécesseurs, déjà bien drogués aux applis. On les surnomme d'ailleurs la « glass generation », en référence à leur utilisation massive de ces écrans de verre D'après notre experte, « sur une journée de huit heures, les boomers passent 5 % de leur temps en ligne, les millennials environ 15 %, on estime que ce sera 21% pour les Alphas. » Créant plus de données que n'importe quelle autre génération, ils font donc partie intégrante de l'évolution de cette société qui tourne à la data. Façonnés par des expériences numériques précoces, cette génération se veut très indépendante, voire autodidacte. « Grâce à la technologie, ils obtiennent des informations, communiquent et apprennent beaucoup plus facilement. Ils sont habitués à tout trouver sur Google, à demander à Siri ou Alexa, ou à faire appel à leur communauté. Ils sont aussi beaucoup plus influencés par les personnes qu'ils suivent sur les réseaux sociaux, et sont très entreprenants car ils ont grandi en suivant l'exemple des influenceurs, des acheteurs-revendeurs en ligne etc. Ils voient les réseaux comme une vitrine de magasin », explique notre experte. Le membre de la génération Alpha n'attend plus d'avoir des diplômes ou de la moustache pour se lancer dans la vie active. À l'image de Ryan, ce gamin américain grassouillet de seulement dix ans, dont la chaîne Youtube cumule déjà plus de 30 millions d'abonnés – plus que la population de l'Australie. On peut également citer Benyamin Ahmed, un petit britannique de douze ans qui a empoché plus de 340 000 euros grâce à la vente de NFTs qu'il a créés. Easy Bryan. Mais que font ces mioches avec tout cet argent ?
CONSOM’ACTEURS
La question est vite répondue. Car même au-delà de ces chers Bryan ou Benyamin qui ont les poches bien remplies, il semble que les jeunes Alphas soient devenus des consommateurs à part entière. « Les membres de la génération Alpha sont beaucoup plus consultés que par le passé en ce qui concerne les achats au sein de la famille. Les consommateurs de demain seront plus jeunes que jamais », confirme Henry Rose Lee. Il suffit de regarder la stratégie récente de la marque Balenciaga, invoquant les Simpsons ou créant une collection virtuelle dans Fortnite, pour se convaincre que la culture des Alphas est en train de prendre de la place. Et en matière de goûts, l'Alpha est plutôt exigeant : « Ils attendent déjà des expériences interactives et réactives de la part des marques en ligne, et la possibilité de personnaliser leurs choix. Ils seront 2,5 milliards en 2025, ça représente un potentiel d'achat considérable… » Prescription d'achats, influence des algorithmes, consommation online, création de données, de NFTs, de contenus… La technologie ne serait-elle pas en train de permettre à cette génération Alpha de s'émanciper plus vite que prévu ?
UP-AGEING & TWEENDOM
Caractéristique structurante de ces gamins survitaminés ? Ils grandissent plus vite que leurs prédécesseurs, et deviennent des ados avant l'âge. Ce que nos amis anglo-saxons appellent « upageing », soit le survieillissement. Pas si étonnant que ça lorsqu'on sait qu'Internet vous considère grosso modo comme un adulte à partir de treize ans. Confrontés très jeunes à des contenus non-filtrés, l'univers des adultes n'a plus de secrets pour eux. À un tel point qu'ils ont aujourd'hui leur propre mini société, un univers enfantin qui prend tellement d'importance qu'on lui a trouvé un petit nom, le « tweendom » (royaume des enfants). Un genre de pays imaginaire à la Peter Pan, dans le monde numérique. Décuplant ainsi considérablement leur temps d'apprentissage et de découverte, ils seront une génération aussi indépendante qu'éduquée, mais également beaucoup plus ouverte. Dans leur monde, diversité et inclusivité seront la norme. Mais, de l'autre côté du spectre, on entendra parler de problèmes de concentration, de manque d'intelligence sociale in real life, ou des autres contreparties qu'implique cette vie furieusement online. En attendant de pouvoir constater l'évolution de nos petits Alphas, les experts planchent déjà sur la cartographie de la prochaine génération, qui commencera en 2025 et qui s'appellera, selon tout vraisemblance, la génération Bêta. Bêta, espérons qu'elle ne le sera pas trop.