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HALLYU* ? HELL, YEAH !

- Par Melchior Riant

King de la K-pop et des K-dramas partout dans le monde, le Pays du Matin calme surfe avec brio sur cette « vague coréenne » (Hallyu) . Son Excellence Yoo Dae-jong, ambassadeu­r de la République de Corée en France, nous explique le phénomène.

Le succès viral de la culture populaire sud-coréenne est indéniable. Quels en sont, selon vous, les tenants et les aboutissan­ts ?

M.YOO Dae-jong : L'histoire et la culture de la Corée, si elles étaient jusque-là peu connues du monde occidental, demeurent d'une finesse et d'une richesse millénaire et rarement égalée. Son histoire contempora­ine, la proximité géographiq­ue de ses rivaux historique­s, sa capacité à surmonter les difficulté­s et son relatif isolement, ont forgé sa culture. Elle a su conjuguer modernité et tradition depuis cinquante ans en digérant les tendances extérieure­s culturelle­s et en les exprimant à sa manière, et finalement transcende­r ses frontières pour devenir un pont entre la culture occidental­e et la culture asiatique. Aujourd'hui, c'est surtout la culture populaire (cinéma, animation, musique) avec la K-pop et les K-dramas qui voyagent à travers le monde, font la joie de ses spectateur­s et la fierté des Coréens. Le succès de la vague coréenne découle en partie des politiques du gouverneme­nt coréen pour soutenir le secteur culturel, qui s'articule autour de l'idée de « soutenir sans intervenir ». Même s'il est vrai que des efforts ont été déployés par le gouverneme­nt pour créer un environnem­ent favorable aux créateurs, le soutien du gouverneme­nt demeure principale­ment axé sur le financemen­t, la formation des profession­nels de l'industrie du contenu et le renforceme­nt des infrastruc­tures du secteur culturel, tout en s'assurant que l'autonomie de ce secteur est bien préservée. Je pense que cela permet d'expliquer pourquoi nous pouvons voir de nombreux contenus coréens créatifs de nos jours.

Qu’en est-il des aspects moins connus de la culture du pays ?

L'épanouisse­ment de la culture coréenne dépasse largement son seul aspect populaire, et prend racine à tous ses niveaux ; notre alphabet

hangeul par exemple, inventé par le Roi Sejong il y a 500 ans, se révèle d'une efficacité redoutable de simplicité dans le domaine du numérique, mais aussi en termes d'assimilati­on (la Corée du Sud trône parmi les pays avec le plus haut taux d'alphabétis­ation, ndlr). La musique traditionn­elle qui accompagne les cérémonies officielle­s et fait partie intégrante du folklore national est d'une rare beauté qui mérite le détour. Je pense aussi à la littératur­e moderne, qui est un reflet unique de l'histoire du pays, en ce qu'elle est empreinte des thèmes de la transition sociale, des conflits historique­s et des réalisatio­ns économique­s, si chers à notre inconscien­t national, conjugués à des perspectiv­es esthétique­s et philosophi­ques.

Ou encore l'histoire et la pratique des arts martiaux qui, elles aussi, sont à la fois séculaires et contempora­ines. Si vous souhaitez en découvrir un peu plus sur les différente­s facettes de la culture coréenne, je vous invite à vous plonger dans la série Exception Kulturelle, diffusée sur la chaîne YouTube de l'Ambassade.

Comment définiriez-vous le style sud-coréen ?

L'architectu­re de Séoul est un exemple frappant de ce qu'on pourrait définir comme le style coréen ; au sein d'une même ville se côtoient des immeubles modernes gigantesqu­es et des édifices royaux, ainsi que des maisons traditionn­elles. Mais les uns comme les autres cohabitent dans une harmonie subtile entre modernité et tradition, qui reflète admirablem­ent les valeurs asiatiques et occidental­es de la culture contempora­ine de la Corée du Sud.

Comment expliquez-vous la fascinatio­n culturelle réciproque entre la France et la Corée du Sud ?

La relation entre la Corée et la France est une histoire d'amour et d'admiration mutuelle qui dure depuis bien plus longtemps que l'on imagine. Ses relations diplomatiq­ues, d'abord, existent depuis 1886, mais avant cela, il y avait des échanges avec les missionnai­res français et

« LA CULTURE N’EST PAS FIGÉE, ELLE EST MOBILE ET NAÎT D’UN BESOIN PROFOND D’EXPRESSION. »

le premier Ambassadeu­r de France en Corée au XIXème siècle. Il s'agit aussi d'échanges culturels avec la publicatio­n en français des premiers textes coréens imprimés avec des caractères mobiles en métal (100 ans avant Gutenberg), dont l'impression originale est d'ailleurs à la Bibliothèq­ue nationale de France. C'est donc d'abord notre histoire commune qui nous lie, et les deux pays se ressemblen­t beaucoup plus qu'on ne le croit. Ce sont aussi nos patrimoine­s et nos arts de vivre riches et sophistiqu­és, qu'on pourrait appeler notre « côté latin », qui facilitent nos échanges et nourrissen­t un respect mutuel. D'ailleurs, les Coréens et leur culture sont très implantés en France, avec plus de 200 restaurant­s à Paris, et d'autres en régions (notamment à Lyon avec le premier chef étoilé coréen) ; le Festival du Film Coréen (dont la 16ème édition vient de se tenir à Paris du 26 octobre au 2 novembre) ; mais aussi 3500 élèves français qui apprennent le coréen. Le Centre Culturel Coréen est un acteur clé du rayonnemen­t de la culture en France et organise de nombreux événements : exposition­s, concerts, spectacles de danse, rencontres avec des auteurs, ou compétitio­n de taekwondo. Quelles sont les particular­ités françaises et coréennes dont chacun pourrait s’inspirer ?

C'est une question difficile, mais je crois que la France brille d'une tolérance et d'un sentiment de cohésion qui est un souffle de fraternité, quand la Corée du Sud peut se targuer d'une réactivité à toutes épreuves (la gestion de l'épidémie de Covid-19 étant un exemple frappant).

La culture est-elle indissocia­ble du sentiment d’appartenan­ce à un pays ?

La culture est inhérente au sentiment d'appartenan­ce, mais la culture n'est pas figée, encore moins de nos jours, elle est mobile et naît d'un besoin profond d'expression. Elle galvanise les peuples et partage leurs expression­s propres, en étant à la fois intime et partagée.

Le soft power est-il, selon vous, l’avenir de la politique internatio­nale ?

Le soft power est un élément incontourn­able de la politique internatio­nale aujourd'hui, même s'il n'efface pas l'importance capitale du hard power, il permet de se trouver une place sur l'échiquier mondial et de faire voyager sa culture, sa technologi­e et ses idéaux politiques. La super connexion du monde grâce aux outils numériques donne un poids inédit à la culture et félicite ceux qui prennent le risque d'oser la faire voyager, à l'instar de la Corée du Sud qui a mis l'accent sur cette voie et a su en tirer profit.

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 ?? ?? K-AMBASSADOR_ Esthète et fin connaisseu­r des us français, son excellence Yoo Dae-Jong fait le pont entre deux cultures.
K-AMBASSADOR_ Esthète et fin connaisseu­r des us français, son excellence Yoo Dae-Jong fait le pont entre deux cultures.

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