L'HYPERPHYSICALITÉ À LA RESCOUSSE ?
Après le FOMO (fear-of-missing-out), le JOMO (joy-of-missingout), on parle maintenant du FOGO (fear-of-going-out). Le nouveau défi ? Rendre le réel sexy pour ces casaniers maladifs.
Délaisser votre pyjama en velours pour affronter le monde extérieur est devenu mission impossible ? Vous troquez de plus en plus vos escapades nocturnes contre des soirées cocooning ? Vous avez peut-être chopé le FOGO (fear-of-going-out), le nouveau mal de la décennie, dont atteste l'inquiétant boom des ventes de charentaises (+20 % en deux ans). Le Covid étant passé par là, nous sommes plus que jamais happés par les écrans et le confort de nos intérieurs, à tel point que le monde extérieur semble perdre en sex-appeal chez les esprits les moins imaginatifs, et les plus flemmards. Mais tous n'aspirent pas au confinement intra-métavers ad vitam aeternam. La contre-attaque de la-vie-la-vraie est même déjà en place grâce au concept d'hyperphysicalité. Quésaco ? Le terme a été emprunté au monde de la danse par le designer et architecte britannique Thomas Heatherwick, qui l'utilise comme ligne directrice dans toutes ses créations. L'idée ? Imaginer des espaces si exaltants qu'ils inciteront les gens à sortir de chez eux à nouveau. Le studio Heatherwick invoque des neuroscientifiques et tout un tas de spécialistes pour donner naissance à des créations uniques. À l'image de Little Island à New York, un îlot suspendu situé entre Disneyland et le pays imaginaire, pensé pour « laisser la ville derrière soi. » Cette nécessaire hyperphysicalité ravit déjà tous les détracteurs du minimalisme, mais aussi les anti-Fortnite.
ARCHITECTURE HUMANISANTE
Le terme, introduit il y a quatre ans, a pris une toute autre résonance depuis l'apparition du Covid et la vague de FOGO. L'hyperphysicalité tombe aujourd'hui sous le sens. En visio depuis sa cuisine londonienne, Stuart Wood, bras droit de Thomas Heatherwick, nous explique que « pour réparer les dégâts liés à la pandémie, il faut repenser un avenir collectif pour nos villes et créer des espaces permettant de sociabiliser. La plupart des nouvelles constructions sont très stériles, voire déshumanisées. Avec l'hyperphysicalité a un impact sur les gens au travers d'expériences physiques et émotionnelles engageantes, que leur maison ne peut pas offrir. On veut leur donner envie de quitter leur salon.
L'émotion est une fonction qu'on devrait prendre autant au sérieux que l'aspect technique ». L'idée est finalement vieille comme le monde. L'espace hyperphysique est un peu la cathédrale de jadis : un lieu porteur de sens dans son esthétique-même où l'on se retrouve pour créer du lien dans la société. « L'utilisation de ce terme est une manière d'ouvrir une discussion très complexe sur le rôle de l'émotion produite par les environnements qui nous entourent, on peut aussi parler d'architecture humanisante. », explique Stuart Wood. Et bien que certains l'intellectualisent, l'hyperphysicalité existe ailleurs, et de manière spontanée.
DÉFICTIONNALISATION
Si l'objectif commun est de rendre la vie aussi excitante qu'un film de Spielberg, le spectre de l'hyperphysicalité va de la maxi-construction qui vous englobe, en passant par l'oeuvre éphémère implantée en centre-ville, et jusqu'à la tendance à la défictionnalisation (reproduire l'univers de films, séries, jeux vidéo, dans le monde réel). Certains ont bien compris ce besoin de pimenter le réel avec une dose de fantaisie. À l'image d'Airbnb, qui propose de louer la grotte du Grinch ou la maison de Maman j'ai raté l'avion. Pour Stuart Wood, « créer des espaces liés à une narration, est un bon moyen de produire le désir d'être quelque part. Nous devons créer ces histoires, porteuses de nouvelles significations, pour retrouver une société plus collective. Sinon on risque d'avoir un avenir isolé où on se retrouve seuls. » Enchantés, certains s'imaginent déjà un futur aux allures de Star Wars, comme le rappeur Akon avec son projet Akon City. Une ville ultra-futuriste à six milliards de dollars, créée dans son pays d'origine, le Sénégal. En attendant de visiter Akon City en taxi volant, on peut prendre sa dose d'hyperphysicalité en allant voir un spectacle de drone (le feu d'artifice 2.0) ou en se faisant un escape game inspiré du film Da Vinci Code. Nous, on va plutôt opter pour une plongée dans un passé romanesque en allant se jeter quelques canons dans un vieux troquet à l'atmosphère d'antan. La meilleure des hyperphysicalités.