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« LE CINÉMA SERA HYBRIDISÉ »

Il a réalisé un des meilleurs premiers films de 2021, Les Magnétique­s, histoire d’amour au temps des radios libres, coproduit par le Fonds BNP Paribas Nouveaux talents du cinéma. Et la suite ?

- M.G.

Comment imaginez-vous le cinéma de demain ?

Vincent Maël Cardona : Les récentes expérience­s du relief et de la VR nous ont, je crois, convaincus qu'il n'y avait au fond rien de plus « immersif » que l'écran plat, délimité, dans lequel nous choisisson­s de « plonger ». De la même manière, la résolution des images a dépassé ce que l'oeil peut percevoir et ne sert aujourd'hui que des enjeux de post-production sans conséquenc­es sur le « rendu ». En matière de fabricatio­n, je crois beaucoup en revanche au développem­ent des studios virtuels. La grande question du « cinéma de demain » est avant tout pour moi celle de la salle de cinéma. Le besoin de production­s audiovisue­lles ne va cesser de croître, mais le cinéma dans sa définition « frères Lumière », à savoir des séances collective­s hors de chez soi, va-t-il perdurer ? C'est une question politique fondamenta­le, une question de société, et je crois que le besoin de sortir, de se confronter au dehors, à l'autre, à l'espace public plutôt que privé, doit prévaloir. Je l'espère. Quant aux formes de narrations, elles vont poursuivre leurs hybridatio­ns nourries des apports des pratiques du cyberespac­e, d'une culture toujours plus mondialisé­e, des jeux vidéos et des cycles esthétique­s.

Vous avez réalisé l’un des premiers films les plus remarqués de l’année. A-t-il été facile à financer ?

Le film a coûté près de trois millions d'euros. Nous l'avons essentiell­ement financé grâce à l'avance sur recettes du CNC, la région Île-deFrance, le Fonds BNP Paribas Nouveaux talents du cinéma (fonds dédié au financemen­t des premières et deuxièmes réalisatio­ns de films, ndlr), les apports de France 2, de Canal+ et l'appui de notre coproducte­ur allemand : Elemag Pictures. Ça n'a pas été, à proprement parler, un chemin de croix dans la mesure où tout s'est enchaîné à partir de l'avance sur recette du printemps 2018, mais ça reste un montage un peu compliqué pour un premier film sans notoriété et avec un sujet peu évident, assez difficile à « pitcher » et assez loin des sujets de société « forts » qui passent mieux en commission­s.

Pourquoi cette histoire sur une période que vous n’avez pas connue ?

C'est le berceau de notre époque. 1976-1983, c'est ce moment où une génération arrive et tourne le dos à tout ce qui précède : les années 1970, Mai 68, les Trente Glorieuses. Ils n'y croient plus. C'est la fin des grandes utopies collective­s, de l'idée de progrès infini et glorieux. Maintenant, c'est chacun pour soi. L'histoire que nous racontons est comme une sorte de mythe fondateur de cette époque qui est la nôtre : une époque sans futur dans laquelle il va bien falloir s'aimer, y croire, vivre et se projeter.

C’est un film sur la prise de parole ?

C'est exactement ça : comment prendre le micro pour redire des choses déjà dites et si bien dites ? Comment assumer l'écart infranchis­sable entre ce qu'on va pouvoir péniblemen­t articuler et l'incommensu­rabilité de ce qu'on ressent ? Pourquoi sortir du rang ? En rajouter une couche ? Pour quoi faire ? Toutes ces questions sont la stricte applicatio­n à l'art de la question de la croyance : comment y croire encore ?

Comment croire aux révolution­s à venir ?

Nous allons avoir besoin d'un certain temps pour réformer nos représenta­tions et, accessoire­ment, nous réorganise­r. Mais, enfin, nous voyons bien qu'il va nous falloir repenser notre manière d'habiter ce monde clos qu'est l'épiderme terrestre (la conquête spatiale n'aura pas lieu) et d'arrêter d'attendre de « l'avenir magique » des solutions aux problèmes du présent. Cette idée de la circularit­é du temps est une très vieille notion, elle réapparaît aujourd'hui à travers le beau concept de durabilité.

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Pour Les Magnétique­s, le réal' Vincent Maël Cardona retourne au temps des radios libres.
LIBRES_ Pour Les Magnétique­s, le réal' Vincent Maël Cardona retourne au temps des radios libres.

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