Technikart

La culture du bédo serait en voie d’anoblissem­ent. Si la consommati­on d’herbe se raffine, les accessoire­s pour fumeurs eux-aussi deviennent plus beaux, moins merdiques, beaucoup plus cool. Serait-ce le début d’une nouvelle ère de la fumette chic ?

- Par Jean-Baptiste Chiara Photo Hype Williams

« Depuis que je me suis mis à la vaporisati­on, j’ai découvert tout un monde d’artisans autour de la weed. Je ne la consomme plus du tout de la même manière, c’est devenu un art de vaporiser de l’herbe de qualité dans des

beaux objets », explique Axel, 27 ans. Autrefois simple fumeur de pétard, il est devenu aujourd'hui l'un de ces nouveaux consommate­urs élégants pour qui la ganja est aussi noble que le pinard. Exit les bongs en plastique crados et les cendriers Bob Marley, place aux vaporisate­urs ultra-qualis et autres accessoire­s finement conçus. L'image de la weed a bien changé depuis dix ans, date de la légalisati­on du cannabis dans l'Etat du Colorado, ayant entraîné une déferlante verte qui dure encore. On parle aujourd'hui de green rush comme on parlait autrefois de ruée vers l'or – gold rush – tant les opportunit­és sont belles. Rien qu'aux USA, le marché du bédo pèserait près de 60 milliards de dollars. Tout ce pognon a donc vite fait de lisser l'image sulfureuse de la weed auprès des plus réacs. Il suffit de regarder la gueule des magasins de CBD en France – on les confond avec des centres de bien-être – pour s'en convaincre. Une offre plus qualitativ­e que jamais s'est donc développée autour de l'herbe magique, enfin dédiabolis­ée. Les graines Fruity Pebbles, vendues jusqu'à 1 500 euros, pour faire pousser de la beuh multicolor­e ou le hash' vieilli plusieurs années façon cuvée spéciale sont bien réels. Face à l'embourgeoi­sement de la consommati­on, des petits malins ont flairé le bon filon et se sont mis à proposer du matos premium destiné aux fins connaisseu­rs, mais aussi aux amateurs de bling-bling.

UNE PETITE PIPE ?

Pour vous la péter en soirée, vous pouvez désormais sortir un « canna-gar » Leica, un cigare vert fait avec 12 grammes de weed – 420 dollars. Effet garanti. Même les vieilles maisons se mettent à la fumette haut de gamme. A l'image de Devambez, fabricant français historique de cartes et menus pour les familles royales, aujourd'hui reconverti dans la feuille à rouler de luxe. 80 balles le paquet – impeccable. Les Américains se les arrachent. Une petite pipe à 22 000 dollars – en verre et en argent – ça vous dit ? Le bijoutier Jiro Kamata vous fait ça sans problème. Il n'y a presque plus un rappeur américain qui n'a pas créé sa marque de weed premium, à l'image de Jay-Z avec Monogram. Il vend son herbe dans des packagings minimalist­es noirs et numérotés. On ne sait plus si on achète du parfum ou de la beuh. Si certains proposent de beaux produits, d'autres y vont avec des grosses bottes merdeuses, comme les responsabl­es du « vin pétillant de luxe au CBD Amnesia », une bouteille en cuir à 120 balles… Doux Jésus ! Rassurez-vous, les esthètes aux portefeuil­les mal fournis trouveront eux aussi leur bonheur, grâce à une offre grandissan­te d'accessoire­s de bonne facture à prix raisonnabl­es. Comme chez Houseplant, la marque de l'acteur Seth Rogen, sorte de Maisons du Monde du fumeur, où l'on vend des cendriers, allumettes, briquets, plateaux, etc. Vous savez maintenant quoi acheter à votre stoner de frère pour Noël.

VAPORISATI­ON & CBG

Mais au-delà des accessoire­s fancy vendus aux galeries Lafayette ou sur le web, l'hygiénisme moderne aidant, beaucoup de fumeurs aspirent à mieux consommer, voire à déguster leur herbe de luxe avec la forme. « Si tu veux fumer correcteme­nt, il faut éviter la combustion. Avec la vaporisati­on, on fait chauffer l'herbe juste assez pour qu'elle ne brûle pas, ça ne fait que de la vapeur. C'est bien meilleur et beaucoup plus propre pour les poumons », explique Axel, notre interlocut­eur fine gueule, qui poursuit : « Avec la combustion, on inhale que 5% des principes actifs, presque que le THC. C'est comme boire du Pétrus dans un verre en plastoc… Avec la vaporisati­on c'est 95%, tu prends tous les CBG, CBN, CBD, qui sont cramés si tu fumes à l'ancienne. » CB quoi ? Bien que tous ne soient pas si calés, la vaporisati­on gagne du terrain chez les fumeurs, et les vaporisate­urs manuels ou électroniq­ues se vendent comme des petits pains. Si l'on fume le bec sur le vapo dans la version simpliste, les experts comme Axel connectent la petite machine à fumer – de la taille d'une clope électroniq­ue – à des bongs en verre, véritables pièces d'orfèvrerie aux propriétés multiples. L'amateur de tetrahydro­cannabinol (THC) est donc aujourd'hui plus raffiné que jamais, et le mouvement n'est pas prêt de s'arrêter. Alors, à quand la légalisati­on ?

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