« LE CINÉMA, LE MÉDIUM DE LA JEUNESSE »
Avec Whisper Down the Lane, Raghad Albarqi fait du cinéma à taille humaine et signe une oeuvre d'animation fantasque et accessible. Rencontre avec la next-gen' de cinéastes saoudiens.
En 2021, vous sortez votre film d’animation, Whisper Down the Lane. Comment l’industrie du cinéma a-t-elle évolué depuis ?
Raghad Albarqi : L'industrie locale du cinéma grandit de jour en jour, les opportunités de financements se multiplient et une nouvelle génération de cinéphiles voit le jour.
Quelle a été la part de YouTube dans cette épiphanie culturelle ?
Incontestable ! La plupart des jeunes vidéastes ont appris leur art sur les tutoriels de YouTube, et beaucoup d'entre eux ont même diffusé leurs premières créations sur la plateforme. En fait, elle représente un moment pivot de l'histoire culturelle du pays.
Le public est-il au rendez-vous ?
Et comment ! Le public saoudien est très sensible aux idées nouvelles venant des productions locales, en particulier parce qu'elles traitent souvent de la vie réelle, de ses personnages, et le public s'y reconnaît.
Qu’en est-il dans les autres pays arabes ?
Les audiences des autres pays arabes sont très friandes de l'originalité du cinéma saoudien et de ce qu'il apporte au cinéma mondial.
Comment se sont passés vos castings ?
Nous n'avons pas fait nos castings de manière traditionnelle. Étant donné la nature du film que nous voulions faire, il nous fallait des
« LE CINÉMA SAOUDIEN EST TRÈS CENTRÉ SUR LA VIE RÉELLE, FAMILIALE ET PERSONNELLE.
acteurs capables d'exagérer avec justesse leur jeu pour convenir aux codes du film d'animation. Dès que nous leur avons montré les premières esquisses, leur enthousiasme les a portés jusqu'à en faire des acteurs de films d'animation.
Le cinéma est-il le médium de la jeunesse ?
Avec le développement des technologies modernes, le cinéma a pris une place prépondérante dans les médiums d'expression de la jeunesse.
Ces nouvelles productions réunissentelles deux générations de Saoudiens ?
J'aime penser que le cinéma rapproche tout le monde avec ses histoires et ses personnages, mais qu'il est aussi le laboratoire et le conservatoire de l'Histoire et de la culture.
Les thèmes de la tradition et de la modernisation semblent revenir beaucoup.
Je crois qu'il s'agit toujours de revenir à la question de l'identité, la nôtre est entre tradition et modernisation, et elle nous modèle à son image. Le cinéma saoudien est très centré sur la vie réelle, familiale et personnelle.
Croyez-vous au talent brut ?
Non, je n'y crois pas, il s'agit toujours d'une constellation de passion, d'éducation et de pratique. Le cinéma saoudien participe-t-il à l’empowerment des femmes ? Oui, car l'industrie du cinéma locale a créé de nombreuses opportunités pour les jeunes femmes, ce ne sont pas seulement les actrices mais aussi les réalisatrices, les scénaristes, les productrices, chacune met sa pierre à l'édifice.
Quelle a été votre expérience à la première édition du Red Sea Film Festival ?
C'était une expérience exceptionnelle ! Nous avons enfin pu partager deux ans de travail avec nos proches et avec le monde à Jeddah !
Des centaines de salles de cinéma ont ouvert en Arabie Saoudite, le cinéma faitil maintenant partie du « Soudi lifestyle » ?
Les films ont toujours fait partie prenante de nos vies alors qu'on grandissait, même sans cinéma, nous avions la télévision, les DVDs et Internet, mais il est incontestable que les salles de cinéma ont apporté une nouvelle expérience et largement participé au succès du médium.
Quelles sont vos plus grandes sources d’inspiration ?
J'ai toujours été fasciné par différentes formes d'arts visuels et digitaux. Une des plus grandes influences de mon style d'image est l'illustrateur commercial Andrew Loomis, mais aussi l'approche créatrice de Alberto Mielgo et Erick Oh, dans leur audace comme dans leurs expérimentations.
Un conseil pour les jeunes Saoudiens qui rêvent d’écrire un film ?
Il leur faut travailler dur, être sans cesse aux aguets des opportunités qui leur permettront d'affiner leurs skills et de trouver leur style, le plus important c'est de trouver leurs voix et leurs voies uniques.