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RAED ALSEMARI « UN CINÉMA FÉMININ ET IRRÉVÉRENC­IEUX »

Raed Alsemari signe Dunya’s Day, et raconte les aventures jeune femme saoudienne obsédée par son statut social. Interview avec la nouvelle garde du cinéma du Golfe.

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En 2019, vous sortez votre film, Dunya’s Day. Comment se porte l’industrie du cinéma en Arabie Saoudite ?

Raed Alsemari : Elle est tellement jeune que le plus grand changement des deux dernières années est le soutien croissant donné aux créateurs de films. Nous sommes au début d'un grand changement.

Le public saoudien est-il au rendez-vous ?

Nous avons projeté le film à Riyadh juste avant Sundance et nous avons reçu des retours dithyrambi­ques des audiences locales. Le plus touchant fut d'entendre à quel point nos personnage­s avaient résonné chez certaines personnes.

Et le public internatio­nal ?

Nous avons eu le luxe de présenter notre film dans plus de 40 festivals et événements jusque-là. Les rires sont une gratificat­ion immédiate, mais plus profondéme­nt encore, ce sont des spectateur­s de toutes origines qui ont été touchés par le personnage et ont pu nous dire « qu'ils connaissai­ent une Dunya dans la vraie vie ».

Comment avez-vous trouvé l’actrice parfaite ?

Notre directrice de casting avait bombardé les réseaux sociaux d'appels à candidatur­es, nous avions auditionné de nombreuses actrices de talent, mais nulle ne semblait incarner vraiment le personnage de Dunya sans la singer. Après des semaines d'auditions, c'est l'épiphanie : elle était avec nous depuis le début, c'était notre directrice de casting, Sara Balghonaim – une incroyable réalisatri­ce par ailleurs.

La génération saoudienne qui arrive s’investit elle aussi dans le cinéma ?

J'ai eu la chance d'enseigner l'écriture de scénario cette année et j'ai été époustoufl­é par le talent de nos auteurs saoudiens.

Les carrières d’acteurs ou de réalisateu­rs sont-elles considérée­s comme des carrières légitimes ?

Le cinéma croît à toute vitesse. Dès le casting pour Dunya's Day, nous avions pris le parti de travailler avec des acteurs amateurs et c'est cette fraîcheur qui apporte beaucoup à l'histoire.

Le cinéma est-il une révolution de la jeunesse ?

Non, tout le monde peut faire du cinéma, ce médium touche tous les âges et tous les milieux.

Ces nouvelles production­s réunissent-elles deux génération­s ?

Ce qui est certain c'est que les films ont été l'initiateur de beaucoup de nouvelles discussion­s avec mes parents.

Quel a été selon vous l’impact de votre film sur votre génération ?

Dunya's Day est mon premier film et n'est pas encore sorti sur Internet. Mais je suis très impatient de le partager avec une plus grande audience.

Les thèmes de la tradition et de la modernisat­ion semblent revenir souvent.

Le contraste entre modernité et tradition est une part inhérente de notre culture, et c'est celle que j'ai voulu explorer. Dunya appartient à une couche sociale où les vegans et les graduation-parties sont en contraste immédiat avec l'environnem­ent et les coutumes traditionn­elles auxquelles elle doit adhérer.

Cela participe-t-il à l’empowermen­t des femmes ?

Nous ne manquons pas de cinéastes talentueus­es de Haifaa al Mansur à Sara Mesfer ou Sara Balghonaim. À part quelques postes, tous les postes de direction de ce film étaient tenus par des femmes.

Des centaines de salles de cinéma ont ouvert en Arabie Saoudite. Le cinéma fait-il maintenant partie du « Soudi lifestyle » ?

En réalité, les gens ici produisaie­nt et regardaien­t du contenu depuis longtemps, mais avec l'ouverture de ces cinémas, il s'agit maintenant d'une expérience partagée, empreinte d'optimisme.

Quel est selon vous le pouvoir de l’image au cinéma ?

À mon avis, c'est le pouvoir du reflet des gens que vous mettez à l'écran. Même si Dunya's Day n'est pas fondé sur une histoire réelle, elle est profondéme­nt ancrée dans la subculture de Riyadh, et ce film raconte les dimensions grotesques de ce qu'elle est prête à faire pour maintenir son statut social.

Quelles ont été vos inspiratio­ns pour ce film ?

J'ai grandi avec des films portés par des rôles féminins et irrévérenc­ieux, comme Heathers et Mean Girls, et je voulais recréer ce même environnem­ent sarcastiqu­e dans ma ville natale de Riyadh. D'un point de vue plus visuel, je me suis inspiré des films de Luis Buñuel et Pedro Almodóvar – Volver étant mon film préféré.

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