Technikart

LE COFFRET QUI TUE HISTOIRES DE FAMILLES

Récemment restaurée, la trilogie du Parrain fait l’objet d’un coffret anniversai­re, truffé de bonus documentai­res. Publiée en 4K UHD, cette luxueuse édition est à la hauteur du monument du 7ème art, signé Francis Ford Coppola.

-

Lorsque sort Le Parrain, au printemps 1972, personne, hormis les critiques et les cinéphiles qui notent les noms des scénariste­s, au générique des films, n’a entendu parler

de Coppola. Mais le roman du même nom, signé Mario Puzo, a fait un carton en 1969 et cela, plus encore que la présence de Brando au générique, suffit à exciter les foules. Reste que, sans le génie d’un producteur, le bouquin de Puzo n’aurait pas donné naissance à la trilogie que l’on sait. Ce producteur, c’est Robert J. Shapera, alias Bob Evans, né le 29 juin 1930 dans une famille juive de l’Upper West Side de Manhattan. Repéré par Norma Shearer, veuve du boss de la MGM, Irving Thalberg, Evans se lance à Hollywood, donne la réplique à Ava Gardner, dans Le Soleil se lève aussi, avant de réaliser qu’il serait meilleur dans un bureau. Son premier carton de producteur, c’estThe Detective, avec Sinatra. Charles Bluhdorn, qui vient de racheter Paramount Pictures, flaire le bon cheval : Evans va produire pour lui Rosemary's Baby de Polanski, Love Story de Arthur Hiller, Harold et Maude de Hal Hashby et Serpico de Sidney Lumet, avant de voler de ses propres ailes pour le joyau Chinatown.

Entre temps, pas un des réalisateu­rs qu’il a contactés ne veut avoir quoi que ce soit à faire avec le pavé sensationn­aliste de Puzo, qui glorifie la mafia. Ni Peter Yates, ni John Frankenhei­mer, ni Peter Bogdanovit­ch, ni Costa Gavras, ni même Coppola. Mais Evans sent que ce dernier, en dépit de débuts plutôt saugrenus —même si The Rain People mériterait sans doute d’être revu—, est l’homme de la situation : les Italiens comme les Juifs ont le sens de la famille, et Le Parrain

raconte l’histoire de la dynastie Corleone. Coppola accepte les 150 000 dollars pour écrire le script, mais refuse de tourner une histoire de mafieux siciliens avec des Wasps, aussi bankables soient-ils. Il impose Brando, alors has-been total, Pacino, dont le studio ne veut pas plus entendre parler, James Caan et Robert Duvall. Après quelques semaines, la Paramount, au vu des rushes, veut le lourder mais Brando, qui a capté que Coppola est un maître pouvant relancer sa carrière, menace de claquer la porte si on change de réalisateu­r.

UNE TRILOGIE ESCHYLIENN­E

On connait la suite : au gré des référendum­s annuels américains, Le Parrain continue d’être systématiq­uement cité comme l’un des trois meilleurs films de tous les temps avec Citizen Kane d’Orson Welles et Casablanca de Michael Curtiz. Et pour cause : il regorge de répliques d’anthologie – « Je vais lui faire une offre qu’il ne pourra pas refuser » – et de scènes qui le sont tout autant, comme la première mission de Pacino, tendu à éclater, dans un restaurant, ou la mort de Brando en son jardin. Eschylienn­e, shakespear­ienne, proustienn­e, viscontien­ne, la trilogie, portée par la musique de Nino Rota, offre également son comptant de compositio­ns éblouissan­tes – de Robert de Niro en ancêtre de Brando, à Diane Keaton en épouse bafouée de Pacino. Après avoir remonté et restauré le troisième volet, l’an dernier, avec le succès que l’on sait, Coppola livre l’intégralit­é de la saga restaurée, en 4K et HDR Dolby Vision, et éditée pour la première fois dans ce format. C’est évidemment l’évènement du mois.

ÉRIC DAHAN

 ?? ??
 ?? ?? LE PARRAIN_ Violent, épique, lyrique: un film capital sur l'Amérique.
LE PARRAIN_ Violent, épique, lyrique: un film capital sur l'Amérique.

Newspapers in French

Newspapers from France