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« ABATTRE LES CLOISONS ! »

Il est l’un des piliers d’Art Zoyd, groupe mythique du free-rock à la française. Pour fêter son demi-siècle d’agitation musicale, Thierry Zaboitzeff publie une majestueus­e compilatio­n 3-CD’s. Interview carrière.

- Entretien Laurence Rémila

Vous revenez sur votre parcours avec ce coffret 50 ans de musique(s). Comment êtes-vous devenu l’un des membres des légendaire­s Art Zoyd ?

Thierry Zaboitzeff : La création d'Art Zoyd, c'est 1969. Moi, j'arrive dans le groupe avec mon ex-collègue Gérard Hourbette (violon), maintenant disparu, en 1971. C'était sur l'invitation du fondateur Rocco Fernandez (guitare et chant). Puis il y a eu une refondatio­n du groupe, avec une recherche de style, de langage, et on a sorti l'album Symphonie pour le jour où brûleront les cités (AZ Production) en 1976. Votre découverte du rock ?

Alors, ça remonte à loin ! J'écoutais des choses un peu bateau, puis tout d'un coup, comme nous habitions pas loin de la frontière belge, je découvre à la télévision flamande un concert de Frank Zappa. Et je me dis que c'est ça que je veux faire. On voyait des musiciens couchés sur un lit, des sketchs, une séance de pets, de rots… (Rires.) Comment était l’industrie musicale à vos débuts ?

C'était la liberté. Il n'y avait pas de plans de carrière, beaucoup moins de marketing… Et nous, on était une sacré bande d'allumés, parfois très inconscien­ts. Et comment étaient vos premiers concerts avec Art Zoyd ?

Quand on faisait les premières parties de Magma, ça nous mettait en contact avec un public qu'on ne connaissai­t pas. Ils venaient pour Magma et nous, on était une espèce d'anti-Magma car on était un groupe sans batterie alors que chez Magma, la star, c'est le batteur (Christian Vander), mais ça se passait très bien. Vous, c’était : trompette, violon et basse.

Oui, c'était une formation squelettiq­ue, mais tout était électrifié. Avec ma basse, j'occupais toute la place d'un batteur. J'assurais toutes les rythmiques, je me servais des archets du violon. Il y avait un jeu rythmique inspiré de Stravinsky, de Bartok, des compositeu­rs de l'Est… Avec une volonté de ne pas être trop planant malgré l’absence de batterie ?

Oui, on sortait du mouvement un peu babacool. On était une nouvelle génération, on avait envie d'autre chose. Vous êtes resté avec Art Zoyd une trentaine d’années.

26 ans ! On a toujours eu une volonté d'originalit­é, et on a continué dans la voie des débuts jusqu'à l'album Phase IV (1982), c'était le point d'orgue de cette façon de travailler. Nous avons été contactés ensuite par le chorégraph­e Roland Petit qui nous a proposé d'écrire la musique de son prochain ballet, comme il l'avait fait avec la musique de Pink Floyd en 1972. C'est là qu'on a commencé à avoir des claviers dans le groupe, puis des sampleurs, on a ensuite monté des ciné-concerts avec Nosferatu et Faust qu'on a joués partout dans le monde.

Vous quittez le groupe en 1997.

C'était la fin d'un cycle : on avait des désaccords, mon collègue partait sur de la musique contempora­ine avec plus de machines, et moi, je voulais le contraire. Depuis, je mène ma barque comme je veux. Tu sors ces jours-ci une compilatio­n de tes cinquante ans d’activisme musical. Pourquoi

avoir évité le tracklisti­ng chronologi­que ?

Ça a été douloureux ! J'ai commencé en voulant faire émerger des petits concepts sur chacun des trois disques. Mais ça s'emboîtait mal, ça se cassait la gueule… Alors j'ai commencé par un truc des années 2020, suivi d'un morceau de 1976 et ainsi de suite. Le principal était que ça colle musicaleme­nt… Donc ça saute du coq à l'âne, mais c'était le souhait. Et que pensez-vous de l’industrie musicale en 2022 ?

J'aimerais qu'on abatte les cloisons, qu'on mélange les gens qui font de la techno, du rock, du jazz… Là, on entend des trucs auto-tunés d'un côté, la musique classique et contempora­ine d'un autre ; les gens du jazz qui ne veulent pas en sortir… Donc : un peu plus de mixité musicale !

50 ans de musique(s) : compilatio­n 3-CD sur le label Monstre Sonore/WTPL Music

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