LE RETOUR DU RADICAL-CHIC ?
Le seul économiste street-luxe de France s'est voué à une juste cause : redonner son sens au mot révolution pour qu'il se retourne contre notre cher président. C'est moins glam', mais plus efficace.
La révolution, c’est chic. Et comme tout ce qui devient tendance, ça finit par perdre de sa substance.
Ayez bien en tête qu'aujourd'hui, on peut avoir été banquier chez Rothschild, énarque, conseiller à l'Élysée, ministre de l'Économie, avoir un programme qui prône des économies sur la santé, les retraités, les chômeurs, et intituler son livre « Révolution ». Macron, révolution ? On croirait un slogan publicitaire comme la « fashion révolution week » (si, si, c'est vrai) des Galeries Lafayette. Il faut l'admettre le mot « révolution » (invoquant un changement radical) a depuis longtemps perdu son sens. Dans la novlangue des élites, il se confond de plus en plus avec une « évolution » (un changement progressif, pour ne pas dire à la marge du système).
PAS ASSEZ SEXY
Il en est de même de l'indignation et de la radicalité : elles sont aujourd'hui conceptuellement admises par tous. Enfin, sur certains sujets. Ainsi, s'indigner sur la destruction de la planète (à juste titre) est largement admis, beaucoup moins sur les fins de mois difficiles. Se radicaliser sur la maltraitance animale également (encore à juste titre), beaucoup moins sur l'austérité dans les services publics. En même temps, comment instagrammer une baisse de pouvoir d'achat (ayant des conséquences sur les loisirs, les vêtements pour les enfants ou les vacances) ou des économies sur les dotations aux collectivités locales (ayant des conséquences sur les crèches, les cantines, le sport, la culture dans les communes les plus pauvres) ? Pas assez sexy, pas assez tragique, donc pas de poings levés, donc pas de discours de stars de cinéma, donc pas de relais sur les réseaux sociaux. La société du spectacle impose des règles de sélection et une hiérarchisation des sujets d'indignation..
NOIR SUR BLANC
L'indignation, sentiment de colère, peut chez certains se satisfaire d'un partage de story sur instagram ou d'un retweet sur twitter. Un slogan en 280 caractères espaces compris, une courte vidéo d'une minute et tout est compris. Des informations rapides et tellement éparpillées qu'il est difficile d'établir des liens entre elles. Tout l'inverse de la réflexion qui nécessite du temps pour comprendre les causes du problème, les impacts et trouver les responsables. C'est le problème de l'indignation aujourd'hui, elle se limite souvent à la dénonciation en aval sans s'attaquer aux causes. S'indigner que les ouvrières éthiopiennes soient les moins biens payées au monde (23 euros par mois), c'est bien. Dénoncer les marques qui les emploient (H&M ou Calvin Klein), c'est mieux. Mais ne pas voter pour quelqu'un qui fait la promotion du libre-échange et la mondialisation, c'est encore mieux. Car tant que la mondialisation sera l'alpha et l'omega du fonctionnement de l'économie mondiale, il y aura des travailleurs exploités (avant-hier en Chine, hier au Bangladesh, aujourd'hui en Éthiopie et demain ailleurs). On peut également s'indigner de l'état de nos hôpitaux mais on aurait pu en amont éviter de voter pour Macron qui prévoyait de faire 15 milliards d'économies sur l'assurance-maladie (c'était écrit noir sur blanc dans son programme). On ne peut pas déplorer les effets et en même temps chérir les causes sinon les mots « révolution », « radicalité » et « indignation » n'ont plus sens.