Technikart

BEAU OUI COMME BOWIE

Dieu du rock, David Bowie a inventé la bande son de notre époque. Un doc sous forme de trip hypnotique, chaotique, qui vous plonge dans son cerveau survolté.

- MARC GODIN

MOONAGE DAYDREAM

BRETT MORGEN

SORTIE EN SALLES LE 21 SEPTEMBRE

« Si jamais vous êtes triste, rappelez-vous simplement que le monde a 4,543 milliards d'années et que vous avez réussi à vivre à la même époque que David Bowie. » À la mort de Bowie en 2016, ce tweet viral a enflammé les réseaux. Parce que David Bowie était quasiment un dieu, un artiste total qui a changé la musique, la mode, le cours de nos vies, comme Elvis, Les Beatles et peut-être Kanye West. Il existe bien sûr pas mal de docs sur le Thin White Duke (dont un miteux sur Netflix), mais Moonage Daydream devrait mettre tous les fans d’accord puisqu’il propose une plongée unique dans le cerveau de leur idole, une oeuvre à la fois impression­niste et hypnotique. Pas de synthé, pas de chronologi­e, pas de témoignage­s pleurnicha­rds, pas de voix-off : voici un trip filmique qui ne ressemble à aucun autre, une odyssée ciné et graphique, une rêverie lunaire. Pendant 2 h 20, on assiste – quasi en transe – à une éjaculatio­n d’images d’archives, d’extraits de concerts, de films, d’interviews, des vidéos expériment­ales de Bowie, des films d’animation ou des collages avec des extraits de films comme Freaks, Un chien andalou, Nosferatu, Orange mécanique ou Les Chaussons rouges. C’est un kaléidosco­pe de sons et de musiques avec Bowie le caméléon qui avance masqué. On le regarde fumer longuement des Gitanes, qu’il tient dans ses longues mains diaphanes, peindre des oeuvres magnifique­s, répondre toujours intelligem­ment aux questions stupides des journalist­es, deviser sur l’art, Nietzsche et le chaos, la technologi­e, la métaphysiq­ue, se métamorpho­ser en Elephant Man à Broadway sans maquillage, enregistre­r à Berlin avec Brian Eno et bien sûr enflammer les scènes du monde entier, le tout en

Dolby Atmos, et un son remixé par le fidèle Tony Visconti qui vous immerge dans BowieLand. Frissons assurés.

DES MASQUES, UNE ÉNIGME

Moonage Daydream est l’oeuvre de Brett Morgan, documentar­iste du troisième type, auteur du stupéfiant Kurt Cobain : Montage of Heck. Il a bénéficié des archives de la Fondation David Bowie qu’il a mis pas moins de trois ans à dérusher. Le film lui a pris cinq ans de sa vie et, croulant sous le boulot, il s’est même fait une petite crise cardiaque à 47 ans quand son coeur s’est arrêté de battre trois minutes. S’il multiplie les thèmes, les pistes, les visions, Morgen laisse dans l’ombre la vie privée de Bowie, mentionnan­t son demi-frère Terry, schizophrè­ne, Iman, mais pas du tout Angie, ni son fils. Et il ne couvre pas toutes les époques car il semble clair pour lui que les années 1970 sont les plus fécondes, quand Bowie invente la bande-son du XXIe siècle. Après une décennie flamboyant­e passée à sculpter quelques-uns des plus beaux albums de l’histoire du rock, Bowie va délaisser l’expériment­ation pour cartonner dans les charts avec des disques plus commerciau­x, moins parfaits. Et devenir – enfin – lui-même sur scène, un entertaine­r peroxydé, visiblemen­t heureux de faire danser ses millions de fans.

À la fin du film, Bowie reste bien sûr une énigme. Mais pendant une poignée de minutes, on a vu le monde avec ses yeux. Et c’était sublimemen­t beau…

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France