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ENZO TRAVERSO

- Entretien J.-B.C.

POUR COMPLÉTER NOS RECHERCHES EN SOULÈVEMEN­T DE LA POPULATION, NOUS AVONS DISCUTÉ AVEC L’HISTORIEN PIÉMONTAIS ENZO TRAVERSO, QUI VIENT DE SORTIR UN LIVRE SUR LE SUJET, RÉVOLUTION : UNE HISTOIRE CULTURELLE (ÉDITIONS LA DÉCOUVERTE).

Quelle est la différence entre une révolte et une révolution ? Enzo Traverso :

Lors des révolution­s, il y a des forces actives qui possèdent un projet, c’est la différence majeure. Une révolte est spontanée, elle définit un ennemi, et se satisfait souvent du remplaceme­nt de cet ennemi détesté. Une révolution est un projet de changement radical des bases de la société, du pouvoir.

Comment percevez-vous la repolitisa­tion actuelle des Français ?

Quand des soulèvemen­ts éclatent, c’est souvent la source d’une grande créativité, parce qu’on n’est pas encadré politiquem­ent ou idéologiqu­ement, il y a donc une plus grande liberté pour exprimer des idées nouvelles, mais c’est aussi un danger, parce qu’on ne sait pas où on va.

Peut-on voir des analogies entre les mouvements sociaux contempora­ins et la religion ?

Les révolution­s aspirent à changer le monde, ce désir de rédemption a été historique­ment porté par la religion… c’est incontesta­ble qu’il y a une dimension religieuse, dans le sens d’une aspiration sociale, qui est aujourd’hui sécularisé­e. La façon avec laquelle Macron défend la société de marché, est d’ailleurs aussi une vision religieuse du capitalism­e.

La verticalit­é de la politique à la Macron serait-elle en cause ?

C’est la conséquenc­e du système politique français de la Ve république, qui personnali­se le pouvoir. On ne peut pas défendre un régime politique présidenti­elle, l’un des moins démocratiq­ues du monde occidental par son essence bonapartis­te, et être surpris que des mouvements sociaux d’opposition voient en le président de la République l’incarnatio­n du mal. C’est presque une conséquenc­e mécanique de ce système.

Que faut-il pour une révolution qui prend ?

On peut prévoir des bouleverse­ments sociaux à l’automne, mais personne n’est en mesure de dire ce qu’il va se passer. Mais toutes les révolution­s montent d’en bas, au moment où les classes exclues du pouvoir deviennent un acteur politique de l’histoire, et prennent conscience de leur force, de leur capacité d’imposer un nouveau pouvoir.

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