Technikart

OVNI SOIT QUI MAL Y PENSE

Cela fait déjà une décennie que Sydney Valette trace sa route dans une dimension parallèle. Avec Home Alone, il reste confiné dans son électro solipsiste, très au-dessus du lot.

- HOME ALONE (YOUNG & COLD RECORDS) LOUIS-HENRI DE LA ROCHEFOUCA­ULD

C’était en 2010. Sur une compile du label deBonton, on tombe sur une curiosité : « Dimanche » de l’inconnu Sydney Valette.

Qu’est-ce donc que ce truc ? D’une voix blanche à la Daniel Darc, un jeune homme neurasthén­ique mais drôle raconte ses week-ends sur une musique synthétiqu­e inspirée. Pendant des mois on l’écoute en boucle. Un an plus tard sort enfin l’album, Plutôt mourir que crever, dont on se demande si le titre n’a pas été piqué dans Le Feu follet de Drieu la Rochelle, où figure cette formule. Sydney Valette va encore plus loin. Le disque est une succession ininterrom­pue de morceaux déments : « Frustratio­n onirique », « Tiger Jogging », « Peurs viscérales », « Ballade joyeuse », « My Bike », « Libération spirituell­e »… Outre son sens mélodique et un look bohème singulier, Valette a un autre plus : des textes très littéraire­s qui louchent vers la philo façon dada. On est entre Warp et la Sorbonne, Aphex Twin et Gilles Deleuze. Mais comme à chaque fois qu’une anomalie enthousias­mante surgit dans la scène musicale française ça ne se passe pas comme ça devrait : personne n’y comprend rien.

FRANC-TIREUR

Depuis Plutôt mourir que crever la carrière de Valette est celle d’un survivalis­te qui ne veut pas disparaîtr­e dans l’anonymat : faut-il chercher un public en dehors de ses frontières plutôt que de dépérir en restant marginal dans son propre pays ? Valette a beaucoup joué à l’étranger, et s’est mis à chanter en anglais. Il a sorti quatre albums, avec toujours des grands moments. Home Alone est son sixième disque : rien à voir avec Maman j’ai raté l’avion !, c’est un clin d’oeil aux confinemen­ts à répétition de 2020, au cours desquels ces nouveaux morceaux ont été en partie composés et enregistré­s. La musique, répétitive, sombre, martiale, fait penser à un mélange de DAF et de Clan of Xymox. Valette dit avoir voulu alterner dark wave, EBM, italo-disco, post-punk, avec toujours une sensibilit­é pop. Pop dans quel sens ? Pas dans celui, version Dalida bobo, d’une Clara Luciani. Ni dans celui, version Dave écolo, d’un Julien Doré. En France, pays pas très gâté en ce moment, Valette ne pourrait guère parler qu’à Yan Wagner, Koudlam et Perturbato­r. Les interludes « Sapsan » et « Malmö’s Lullaby », ainsi que le titre final « Citadelle » ont quelque chose d’Erik Satie. C’est avec une certaine mélancolie qu’on termine l’écoute. Quel peut-être aujourd’hui le sort d’un franc-tireur comme Valette, version moderne de l’artiste maudit d’antan, tendance crooner électro postapocal­yptique ? Son esthétique est trop lugubre pour toucher les fêtards ou servir de musique d’ambiance dans les dîners bourgeois. On voit mal une de ses chansons être prise en synchro pour une pub, ou alors pour des pompes funèbres. Valette doit-il se reconverti­r dans la production, à la façon d’Arnaud Rebotini ? Mais si c’est pour mettre son talent au service de Feu! Chatterton comme ce dernier, au secours… Les débouchés se raréfient. Faites donc écouter Home Alone pour que Valette ne finisse pas seul chez lui.

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