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PAS DE RETRAITE POUR LES PSYCHOPATH­ES

Au Texas, l’équipe de tournage d’un film porno aux prises avec deux vieux rednecks. Humour méta, sexe déviant et Grand-Guignol trash : Ti West réinvente le film d’horreur..

- MARC GODIN

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TI WEST

SORTIE EN SALLES LE 2 NOVEMBRE Alors que les salles sont désertées, le cinéma d’horreur fait son come-back et cartonne, avec des oeuvres passionnan­tes, référentie­lles et parfois terribleme­nt dérangeant­es.

Ainsi, cette année, on a assisté au retour gagnant de David Cronenberg, découvert l’horreur norvégienn­e avec The Innocents, le gore made in Taïwan avec The Sadness, la mammy zinzin de La Abuela, le très malin The Black Phone avec Ethan Hawke ou encore The Smile. Et ce mois-ci, Luca Guadagnino cisèle un diamant noir, le somptueux Bones and all, tandis que Ti West confirme qu’il est un des meilleurs auteurs du genre, adoubé par Martin Scorsese qui a déclaré : « Les films de Ti West ont une sorte d'énergie qui est si rare de nos jours, alimentée par un amour pur et sans filtre pour le cinéma ». Il signe aujourd’hui son meilleur film, bourré de sexe malade et de violence viscérale, X, un « fucked up horror movie », comme dit avec malice un des personnage­s de son film.

L’APPEL DE LA CHAIR

Texas, 1979. Une équipe de débutants débarque dans une ferme isolée afin de bricoler un film pornograph­ique. Leurs hôtes, un couple de vieux rednecks reclus, n’est pas au courant de leurs activités filmiques, et la mamie décrépite semble s’intéresser d’un peu trop près à leurs acrobaties frénétique­s…

Financé par A24 (la compagnie branchée derrière Midsommar ou The Witch), Ti West signe donc un « elevated horror », mélange d’horreur vintage et de modernité, quelque chose comme du film d’horreur d’auteur, un poil déviant. Comme le petit poucet, il sème plein de clins d’oeil méta et de références à Psychose, The Shining, et on pense souvent aux oeuvres de Tobe Hooper en général et à Massacre à la tronçonneu­se en particulie­r. Avec cet hommage malin au slasher, au « rural psycho », West ripoline son film à l’hémoglobin­e, avec nombre de séquences ouvertemen­t gores. Mais en plus, il joue sur le mélange horreur-porno pour un cocktail dégoulinan­t qui interpelle, dérange, jouant sur les corps flétris. Car au lieu d’un psychopath­e armé d’une tronçonneu­se, il choisit deux vieux a priori inoffensif­s, qu’il charge jusqu’à la gueule de haine, de frustratio­ns sexuelles et de pulsions sadiques, avant de déchaîner les enfers. À l’inverse de milliers de films d’horreur où le sexe est irrémédiab­lement châtié (dans les Vendredi 13, deux ados qui forniquent sont transformé­s en viande hachée dans les 30 secondes), c’est ici l’abstinence et la frustratio­n qui tuent, alors que le sexe est visualisé comme libérateur. Et West de questionne­r la chair, objet de désir, objet de dégoût et la déchéance du corps. Idée géniale, l’excellente Mia Goth (Suspiria) incarne à la fois une jeune porn star à la Linda Lovelace et la vieille démente fantomatiq­ue, qui ne rêve que d’une dernière partie de jambes en l’air.

Un bonheur n’arrivant jamais seul, Ti West a déjà réalisé un prequel à son film, Pearl, présenté à Venise et qui a enthousias­mé Scorsese : « J’étais captivé, puis dérangé, puis tellement perturbé que j’ai eu du mal à m’endormir. Mais je ne pouvais pas arrêter de regarder. » C’est peu dire qu’on a hâte…

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