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L'INSPIRATIO­N VIENT DES TRIPES

Dans Chienne et Louve Joffrine Donnadieu nous convie à un face à face détonnant entre une striptease­use et une bigote obligées de cohabiter. Prenez, ceci est mon corps !

- JACQUES BRAUNSTEIN

CHIENNE ET LOUVE JOFFRINE DONNADIEU Gallimard, 341 pages, 21 €

« J’ai fait le Cours Florent, mais je ne voulais pas du tout être

comédienne. » C’est par ce paradoxe que Joffrine Donnadieu se présente et présente son nouveau roman. Assise en terrasse à deux pas des éditions Gallimard qui la publient, elle affiche un mélange de déterminat­ion et de naïveté qui semble sa marque de fabrique. « J’adorais écrire depuis toute petite, et je pensais que les comédiens que je voyais à la télévision, au cinéma, écrivaient leurs rôles. Au lieu de poser la question, j’ai demandé à mes parents de m’inscrire à un cours de théâtre », explique celle qui avoue inonder sans succès les éditeurs de manuscrits depuis l’âge de 16 ans. « Du coup, j’ai décroché mon diplôme du cours Florent mais je n’avais pas passé mon bac. Alors j’ai repris des études pour être directrice de centre culturel, je me suis spécialisé en psychiatri­e et j’ai mis en place des ateliers d’expression dans les hôpitaux », ajoute-t-elle comme si ça coulait de source. C’est là qu’est né le personnage de Romy qui était déjà l’héroïne de son premier roman (Une histoire de France, Gallimard, 2019). « Une fillette, qui est la mosaïque de nombreuses fillettes que j’ai pu rencontrer dans ce travail, et de celle que j’ai été. » C’est elle qui s’est imposée à nouveau pour le deuxième roman. « Un personnage choisit de vous suivre ou de vous quitter.»

Dans Chienne et Louve, qu’on peut parfaiteme­nt lire séparément, Romy est devenue une strip-teaseuse un peu tox et en galère de tout qui rêve néanmoins de brûler les planches. Et s’est donc elle aussi inscrite au fameux Cours Florent. Elle réside désormais chez Odette : « Une vieille bigote, catho tradi qui n’a jamais eu d’amant. Elles sont des miroirs inversés l’une de l’autre et donc s’attirent. » Un huis clos étouffant entre deux personnage­s que tout oppose, quelque part entre Virginie Despentes et François Mauriac. Joffrine Donnadieu a réellement vécu en collocatio­n intergénér­ationnelle et note que dans ce type de situation « il y a toujours une légère manipulati­on de part et d’autre ». À la lire on parlerait plutôt de bras de fer, tant elle a une approche physique, presque organique de l’écriture : « Si j’écris et qu’il ne se passe rien dans le ventre, je suis à côté de la plaque. Si je n’en ressors pas épuisé, ce n’est pas bon. »

FOI INÉBRANLAB­LE

Pour peaufiner son personnage elle a écumé les clubs de strip-tease. « Je suis allé voir les filles de Pigalle, j’ai parlé avec elles, j’ai dansé avec elles. Déjà à 17 ans, j’avais découvert les cours de Burlesque de Gentry de Paris (l’associée de Dita Van Teese). Je me suis inscrit pour être à l’aise avec mon corps sur scène et je me suis retrouvé avec des striptease­uses profession­nelles qui voulaient s’améliorer » se souvient-elle entre deux éclats de rire en cascade. « J’ai eu envie d’écrire là-dessus un jour. »

Désormais, Joffrine Donnadieu n’a plus vraiment de métier et habite chez des amis. Mais on n’arrive pas tout à fait à s’inquiéter pour elle, comme si sa déterminat­ion et sa foi inébranlab­le en l’écriture pouvant triompher de toutes les adversités. « Mes ateliers se sont arrêtés avec le confinemen­t. Ça a duré dix ans et on ne peut sans doute pas être dans le social toute sa vie » note-telle philosophe. Pour son prochain livre, elle s’intéresse à la moto, roule avec Philippe Vincent, qui a gagné de Bol d’Or neuf fois : « Je veux ressentir des émotions, que mes personnage­s m’entrainent sur des terrains où je n’irais pas dans ma petite vie… »

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