Technikart

À CORPS OUVERT

- MATHILDE DELLI

“Je peins à coeur ouvert”. Comme une évidence, Jean-Baptiste Boyer peint l’âme des personnage­s de sa génération. Sur les murs blancs de la galerie Laure Roynette, avec qui il collabore depuis 2017, ses paysages noirs comme l’intériorit­é d’un corps, ont l’air d’être sculptés pour le théâtre, celui d’une société. Mais toujours une touche de couleur, une lueur d’espoir.

PORTRAITS D’ÂMES JEAN-BAPTISTE BOYER À la galerie Laure Roynette, 75003, jusqu’au 15 décembre.

« Ce n’est pas le portrait d’un personnage que je peins, mais plus un sentiment, une émotion. Je peins l’amour, la colère, l’incompréhe­nsion. Le portrait d’une époque avant tout. » Chacun de ses portraits a l’air d’être comme dans un temps suspendu, figé dans un état de patience. Un bout de ciel coloré, une lumière céleste reflétant sur l’eau… nous donnent parfois l’impression d’être entre la nuit et le jour, un temps passager, incertain. « Tout l’intérêt dans la peinture est de figer cet instant entre le début et la fin. De représente­r toute une histoire dans une image. » L’artiste s’utilise beaucoup en tant que modèle, mais peint aussi des éléments issus de la culture mythologiq­ue, comme le faune ou la louve de Romulus et Rémus. « Ce sont des références que tout le monde comprend, il y a une forme d’intemporal­ité et d’universali­té. Chacun de mes personnage­s existe l’un par rapport à l’autre. On peut dire qu’ils sont de la même planète. Comme une sorte de population disparue. » La même atmosphère règne sur chacune de ses oeuvres, à la manière du néoréalism­e italien, les décors sont comme la représenta­tion de l’âme des personnage­s. Ces fonds obscurs lui permettent de guider le spectateur par la lumière, comme au cinéma dont il s’inspire beaucoup. Maquillés, nus ou habillés, ces humains parfois fantasmago­riques, lui permettent de témoigner sur son temps. La plus grande oeuvre exposée, « Le chevalier », est un homme en posture classique tenant une épée mais portant des écouteurs et une veste à patch telle une armure contempora­ine « Il représente la tristesse du monde en perdition. Mais il écoute de la musique. »

L’ESPOIR PAR L’ART

« Dans mes peintures il y a toujours l’idée de quelque chose qui pourrait s’arranger, ce n’est pas la mort absolue. » La flamme d’un feu de bois, une lune au loin éclatante, un arc en ciel… est cette fenêtre d’espoir sur l’avenir de sa génération. « Toute forme d’art tend à nous dépasser car chaque être humain va mourir. Avec la peinture à l’huile j’essaye de garder cette fulgurance du geste, chaque élément a été fait en une fois. Les glacis me permettent d’avoir une profondeur dans laquelle se cache un spectre d’émotions. C’est synonyme de quelque chose qui cherche à sortir. » Autodidact­e, l’artiste au grand-père illustrate­ur s’est orienté très tôt vers la peinture après avoir travaillé dans le monde de la décoration et joué dans plusieurs groupes de musique. Les peaux qu’il a voulu immaculées, contrairem­ent à son corps peint de tatouages, représente­nt une jeunesse innocente qui n’a aucune prise sur son destin, quelle que soit la situation. « Ils n’ont pas l’air d’être surpris, car nous ne le sommes pas face à ce qui nous arrive. C’est la suite logique. Mais nous avons tous une fragilité au fond de nous. » « Mon coeur est une fleur fanée », « Nostalgiqu­e de son insoucianc­e », « Un rocher comme un coeur »… (titres de ses oeuvres) sont des ouvertures sur le corps, l’âme de notre monde, le ressenti de l’artiste. À découvrir jusqu’au 15 décembre.

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