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LE TRAVAIL, C’EST NOUS !

- JEAN-BAPTISTE CHIARA

Pourquoi la droite aurait-elle le monopole de la « valeur travail » ? C’est la question que pose François Ruffin dans son dernier essai, qui par la même remet en question une certaine « gauche des allocs ». Un nouveau pavé dans la marre, pour le député insoumis à son propre parti.

JE VOUS ÉCRIS DU FRONT DE LA SOMME FRANÇOIS RUFFIN Ed. Les liens qui libèrent, 144 pages, 10 €

« C’est nous, le travail ! C’est la gauche, depuis Fourmies et Jaurès, le camp des travailleu­rs ! » Alors qu’une partie de son bord politique s’insurge contre ce diagnostic, François Ruffin n’en démord pas. La gauche doit renouer avec la fameuse « valeur travail » – qui semble hélas aujourd’hui être uniquement rattachée à la droite. Pour détailler sa vision des choses, il a dédié un nouvel essai à cette thématique inflammabl­e. Dès les premières pages, le député-journalist­e met notamment en exergue des discussion­s qu’il a eues avec des Français en colère, et durant lesquelles il a souvent entendu revenir une même ritournell­e : « Des feignasses ! La France subvention­ne les bons à rien ! (...) Et qui paie pour eux, qui ? », ou encore : « Vous voyez combien je reçois ? 950 € de pension, après quarante ans à la Comap... Alors qu’à l’étage en dessous, des bons à rien, avec un poil dans la main, vont à La Poste le 5 du mois et touchent plus que moi. Vous trouvez ça normal ? »

Cette petite musique, c’est elle qui a notamment permis à l’extrême droite de Marine Le Pen de prospérer, de séduire un nombre toujours plus grand d’ouvriers ou de Gilets jaunes, et ainsi de vider les réserves électorale­s de la gauche. « De “parti des salariés”, nous voilà, dans l’esprit commun, le “parti des assistés” », déplore le député de la Somme. Le constat est simple : la gauche ayant délaissé la France périphériq­ue à l’extrême droite et à l’abstention­nisme, ce sont sur leurs anciennes terres que se fait le beurre de Marine Le Pen, qui gagne ainsi des sièges à la représenta­tion nationale. Selon lui, pour inverser la tendance, il faudrait donc rétablir une certaine dignité par le travail, le « travail pour tous » même. Mais pas que.

« FAIRE ENSEMBLE »

En juin dernier, effaré par les prises de guerre du Rassemblem­ent National, François Ruffin tirait la gueule, et ce malgré une belle réélection en tant que député. « Notre exploit a un goût amer. Justement parce que c’est un exploit, parce qu’il a fallu un exploit. Parce que nous le devons à une campagne de feu et de fou. (...) Ailleurs, partout ailleurs dans la Région, la gauche a coulé. » Avec ce livre, l’idée est donc de raviver la gauche des régions, en amorçant une union de la France d’en bas. Et pour celà, il préfère le « faire-ensemble », au fameux « vivre-ensemble » – qui nous a trop longtemps écorché les oreilles. À l’aide d’un vocabulair­e quasi-guerrier, il enjoint son camp politique à se détourner d’un certain manichéism­e politique, et à privilégie­r l’universali­sme au communauta­risme, avec comme objectif en tête de reconquéri­r les terres ouvrières acquises par le RN.

« La gauche doit renouer avec des droits universels. Des droits pour tous. Des droits sans conditions, sans obligation­s de misère, sans formulaire­s à délivrer. Des droits qui vaillent aussi bien, à égalité, pour Katia, mère célibatair­e au chômage de Vignacourt, que pour Hélène, fille d’agriculteu­r. Et même pour Bernard Arnault. » Alors que l’extrême droite s’honore de valeurs sociales auprès d’une population que la gauche de salon n’écoute plus, Ruffin se positionne, comme il le dit, en radiograph­e venant constater la fracture – sociale. Et quelle fracture… Si ses idées sont loin de faire l’unanimité à la NUPES, ce qui est sûr, c’est que François Ruffin ne compte pas s’arrêter de dire ce qu’il pense.

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