« IL EST INTERDIT D'ÊTRE VIEUX ! »
Ouman, Ukraine, l'an dernier. C'est un moment de calme au milieu du turbulent, et revigorant, Slava Ukraini (« Gloire à l'Ukraine »), le nouveau Bernard-Henri Lévy. Mi-journal intime, mi-ciné-tract, on y suit le philosophe-baroudeur, toujours prêt à sortir une citation de Malraux ou à partager une embrassade virile, à travers le pays. Nous sommes en 2022. Ces contrées, il semble bien les connaître (il y était déjà en 2014, et encore en 2019). Depuis un an, il y retourne le plus souvent possible, avec son équipe, afin de documenter, non seulement les ravages du conflit, mais aussi la détermination guerrière des Ukrainiens et de leurs alliés. Aucune image d'archive, aucun sample pris sur les chaînes d'info ; ce qu'il nous le montre, il l'a filmé. (Il aurait été plus simple – et c'est ce que nous aurions fait à sa place – de se farcir un ou deux weekends sur place, pour la photo, puis de passer le restant de l'année à partager son temps entre les plateaux télé et les palaces.) Heureusement pour les antis-BHL, Slava Ukraini est là pour leur rappeler qu'il a toujours ses entrées (face à un problème d'hélicos, réclamés par les Ukrainiens et coincés entre la France et le Danemark, il débloque la situation en un coup de fil à l'Élysée), et qu'il n'est pas du genre à enfiler un jogging sous prétexte qu'il se rend en zone de conflit (il laisse ça aux politiques).
C'est donc en costume sur-mesure (doublé d'un gilet pare-balles, quand même) qu'il se rend à Ouman, dans le centre du pays. Alors qu'il se recueille sur la tombe de Nahman de Bratslav (1772-1810), il ressort l'un des aphorismes qui ont fait la légende de cette grande figure du judaïsme hassidique : « Il est interdit d'être vieux ! ». Le fringuant réalisateur prend le soin de préciser : « On a le droit de vieillir, mais évitons d'être vieux ». Ne l'oublions pas, c'est la devise, officieuse mais prenante, de ce magazine…
Alors que nous bouclons ce numéro, nous apprenons avec immense tristesse la mort de Franck « Knight » Chevalier. Pilier, avec sa rubrique « Around Midnight », du Technikart du début des années 2000, ce photographe au regard perçant et au borsalino sans âge n'avait pas son pareil dès qu'il s'agissait de tirer le portrait, sur le vif, d'un des rares artistes qu'il tenait en estime. Il suffit d'admirer ses photos de Gainsbourg, de Daniel Darc ou de Christophe pour y saisir la part d'insaisissable qu'il décelait chez eux … Comme il le disait lui-même à la disparition d'un ami : « Que l'éternité te soit douce, camarade ».
Bonne lecture, on se retrouve dans un mois,