« GILBERT MONTAGNÉ, C'EST LE STEVIE WONDER FRANÇAIS ! »
Du jazz de Keith Jarrett au rock de Lenny Kravitz, le pianiste et chanteur d’Afrobeats Abel Maxwell nous raconte sa trajectoire depuis le Canada.
Ton premier album Abel Maxwell (Alter Ego Music, 2008) avait une forte influence jazz. C’était une première expérience encore imprégnée de ton parcours musical ?
Abel Maxwell : J'ai commencé le piano à l'âge de six ans. J'ai fait des études dans plusieurs conservatoires au Canada et en France. Et aujourd'hui, après cinq albums, je me définis vraiment comme artiste d'afrobeat francophone. Mais effectivement, mon premier travail était orienté jazz et gospel.
Quels étaient les pianistes que tu aimais jouer au conservatoire ?
J'adore Bach, mais j'ai aussi beaucoup joué Liszt et Beethoven. Après, j'ai étudié le jazz et j'ai adoré jouer Oscar Peterson. Et Keith Jarrett est une immense inspiration pour moi. Il avait un gros arrière-plan classique. J'ai grandi avec le gospel et le RnB. Tout ce mélange de styles musicaux m'a amené à creuser de plus en plus vers mes origines africaines.
Dans ton précédent album, Contradictions (B.O.D.B Entertainment, 2020), on entend ton goût pour la soul et pour la pop.
Oui, mon pop-model a été Stevie Wonder, et Earth, Wind and Fire également bien sûr. Dans Contradictions, j'ai voulu reprendre le morceau de Gilbert Montagné (« Sunlight des tropiques »), parce que c'est une sorte de Stevie Wonder français pour moi, que j'écoutais quand j'étais plus jeune. J'ai également repris « Fragile », de Sting. En commençant la musique, je suis passé par tout ce qui est établi pour comprendre une musique dite « complexe ». Avec la maturité, je commence à aller vers des influences plus personnelles. Dans l'afrobeat, je peux mettre de ce qui est en moi et de ma formation classique. C'est un bon melting-pot que les jeunes de la nouvelle génération aiment.
Sur le titre « Electrify Me », dans l’album Interlude (2015, B.O.D.B Entertainment), on entend également ton goût pour Lenny Kravitz.
J'ai grandi en écoutant Lenny Kravitz ! C'est mon adolescence en France. Je crois justement qu'avec mes albums, j'ai cherché à chaque fois à creuser dans les influences que j'ai eues en grandissant.
Il y a un engouement autour de la musique traditionnelle africaine, en particulier grâce au streaming. Peux-tu nous expliquer ce que signifie « Djinkélélé », single de ton cinquième album ?
Pour le traduire, c'est « du rêve à la réalité ». Mais pour l'histoire, c'est le son imaginaire que les enfants démunis de l'Afrique de l'Ouest font, comme s'ils jouaient eux-mêmes d'un instrument. Petit à petit, l'enfant grandit et il apprend à connaître la musique et à en jouer. C'est une métaphore que j'ai voulu utiliser pour parler du rêve et de la possibilité de le réaliser en persévérant et en gardant la passion qui est en nous-mêmes.
En 2016, tu es « récipiendaire d’un prix de l’Unesco », peux-tu nous raconter pourquoi tu as reçu ce prix ?
J'ai été très ému. C'était à la suite de la chanson « Por Favor » (Rupture, B.O.D.B. Entertainment, 2016) qui parle de la violence faite aux femmes. Elle a eu un bon retentissement, en particulier de la part de plusieurs associations qui l'ont aimée et l'ont partagée. À mon avis, c'est le fait de voir un mec qui parle de ça, alors qu'habituellement c'était caché, ou alors seules les femmes en parlaient. Donc en 2016, on m'a invité à une remise au Parlement Canadien, avec des associations qui travaillent autour de ces problèmes. Ça a été un honneur qui m'a beaucoup touché. Je pense que les artistes ont une responsabilité sociale, en particulier à propos des choses dissimulées au sein de la société. La musique permet de fédérer des réflexions.
Avec ton dernier album 5 Roses (B.O.D.B. Entertainment, 2023), on te sent plus en confiance avec ta musique. Pourquoi ce virage afrobeat ?
Oui, faire de la musique est une évidence, mais ce n'est qu'aujourd'hui que je me sens capable de proposer quelque chose d'aussi personnel. J'essaie à chaque fois d'aller dans les zones inexplorées de ma culture, et encore une fois, l'afrobeat est parfait pour cela. J'ai voulu aller vers la musique enfouie en moi, et ma culture classique, je la mets au service de ça. À la grande déception de mes professeurs de conservatoire d'ailleurs, qui pensaient que j'allais faire des études de jazz, parce que c'est une culture élitiste. Ils s'attendaient à ce que je fasse une carrière de virtuose.
Les musiciens passés par les conservatoires parlent de cette difficulté à sortir de la formation imposée par l’Académie. Dès le début, tu souhaitais faire ta propre musique ?
C'était plus un rêve qu'un souhait. J'ai pris le temps et c'est seulement maintenant que je me sens prêt, en ce qui concerne l'expression de qui je suis artistiquement.
Dans tes textes, tu portes un message volontariste, en particulier en t’adressant
à la jeunesse. Tu as fait des interventions dans les écoles, qu’est-ce que tu as observé de la nouvelle génération ?
J'en ai fait beaucoup dans les écoles de l'Amérique du Nord. J'ai remarqué que beaucoup de jeunes veulent devenir youtubeurs. Et ils se disent aussi qu'ils peuvent le devenir juste « comme ça ». J'essaie de les encourager à s'approprier les outils mis à disposition par l'école, pour pouvoir affiner leurs dons et mieux s'exprimer. C'est l'idée de « Djinkélélé », du rêve à la réalité.
Ton cinquième album 5 Roses est-il finalisé ?
Il doit sortir le 23 février sur toutes les plateformes. En ce moment, nous préparons la tournée, Afrique de l'Ouest, Canada, ÉtatsUnis, Europe ; et on va aussi passer par Paris ! J'annonce très vite les dates sur mes réseaux sociaux !
Abel Maxwell sort 5 Roses, son cinquième album, sur le label B.O.D.B Entertainment, le 23 février 2023.