LA FEMME À LA CAMÉRA
Réalisatrice de Papicha et maintenant de Houria, Mounia Meddour est une cinéaste inspirée qui signe de sublimes portraits de femmes en lutte contre l’intégrisme ou le patriarcat. Des films universels, lumineux, qui carburent à l’énergie et à la sororité.
Elle arrive sur le lieu du shooting avec un sac plein de chaussures et son sourire éclatant en
bandoulière. Elle, c'est Mounia Meddour, réalisatrice de l'excellent Papicha, lauréat de deux César, et de Houria, nouvelle bombe qui sera lancée en mars prochain, l'histoire d'une jeune danseuse handicapée par un accident qui va apprendre la solidarité, la sororité, la résilience. Un film fort et délicat, intime et universel, éclaboussé par la lumière de la Méditerranée, avec de nombreux aspects autobiographiques. « J'ai eu un accident il y a dix ans sur un tournage. J'étais assistante et j'ai eu une double fracture à la cheville, avec plaques d'acier et vis. J'ai mal vécu cette période d 'isolement, enfermée dans mon handicap, seule dans ce trou. Mais je voulais montrer comment on s'en sort. Houria, c'est l'histoire d'une femme qui a eu un accident et qui se relève. C'est également l'histoire d'un pays, l'Algérie, qui boîte et qui va de l'avant. »
Quand on parle à Mounia Meddour, il est souvent question d'Algérie. Elle est née à Moscou, mais elle passe les vingt premières années de sa vie en Algérie. « Mon papa, Azzdine, décédé depuis 20 ans, est Algérien. Il était réalisateur et il a fait partie de la première vague de cinéastes qui avait envie de reconstruire cette Algérie forte d'après l'indépendance, dans les années 1970. J'ai grandi en Algérie, j'ai étudié là-bas, j'ai passé un bac en langues arabes, je suis bilingue, j'ai même fait du journalisme à Alger et je suis partie à 20 ans. » En 1997, avec la montée du terrorisme, les intellectuels deviennent une cible privilégiée et des directeurs de chaines de télé, des journalistes, des artistes sont assassinés… Mounia doit s'exiler et débarque à Paris, après une année de journalisme. Elle enchaîne avec des études pour être attachée de presse. À la suite de ce master, elle suit une formation documentaire, passe par la Fémis. Elle réalise un premier doc, un deuxième, un troisième… Elle filme dans un premier temps en France, puis en Algérie. Elle monte un projet avec Albert Jacquard et va à la rencontre de la population algérienne pour combattre les préjugés sur les femmes. « En Algérie, j'ai tourné plusieurs documentaires, notamment sur la jeune génération de réalisateurs algériens. J'ai mis plus de dix ans à passer du doc à la fiction avec Papicha. » Au coeur du film, un petit bout de femme, Nedjma, étudiante qui affronte les islamistes, refuse de se voiler, organise un défilé de mode pendant la guerre civile des années 1990 et trace sa route vers la liberté. « Je voulais témoigner sur cette période de l'intérieur et Papicha est très autobiographique, le parcours mon héroïne est un peu le mien. J'étais étudiante en journalisme et j'étais en Cité U. C'était terrible pour les femmes, les étudiantes, les intellectuelles, avec l'oppression sur l'aspect vestimentaire, le voile. Des femmes ont été assassinées, égorgées, brûlées à l'acide parce qu'elles s'autorisaient à aller à l'université. Nous sommes en 1997. On pense que cette guerre civile a fait 150 000 morts, on appelle cela également la "décennie noire". Cela se termine dans les années 2000, avec quelques attentats isolés. »
ANCIEN TERRORISTE
Sélectionné à Cannes dans la sélection Un
certain regard, Papicha va cartonner en France, représenter l'Algérie aux Oscars, puis obtenir deux César : meilleur premier film et meilleur espoir féminin pour Lyna Khoudri. Mais il ne sortira pas en Algérie. « Une projection était prévue et a été annulée à la dernière minute par le ministère de la culture. Mais Papicha a été vu par toute l'Algérie je pense, avec le streaming, les liens… En Algérie, on refuse de montrer aux habitants des films qui parlent d'eux ou de leur histoire, les films algériens. Par contre, il n'y a pas de problème avec Avatar ou les films américains… Je sais que des spectateurs ont adoré mon film, peut-être parce qu'ils s'y sont reconnus, d'autres l'ont détesté, car ils l'ont pris de plein fouet. C'est très compliqué de faire de films en Algérie. Il n'y a pas assez de films, mais ces histoires doivent être racontées. » Trois ans plus tard, Mounia Meddour reçoit toujours du courrier à propos de Papicha, en provenance du Maghreb, mais aussi de l'Espagne, de l'Italie, du Mexique…. « Il y a trois jours, ma comédienne Lyna Khoudri m'a envoyée un petit mot : "Écoute, je crois que l'on a fait un bon film." Papicha résonne