NUIT BLANCHE
SI BLANCHE EST LA NUIT
CLÉMENCE VEILHAN
Galerie Exils, 2 rue du Regard, 75006
Chienne d’enfer, sans père et sans boyfriend, le bruit devient chanson, sont les titres des trois nuits que passeront Keith, DJ techno beau et violent, et Blanche, jeune photographe amoureuse. Pour son premier roman, Clémence Veilhan, représentée par la galerie Laure Roynette, mêle photographie et écriture. Son style inspiré par la photo de studio s’est déconstruit lorsqu’elle fut assistante de Nan Goldin « Au début, j’avais du mal à saisir qu’elle ne voulait pas d’intimité. Je trouvais ça intéressant mais dangereux de montrer ce qu’on est sans se cacher ». Alors, à la manière de Cindy Sherman, l’artiste s’est mise en scène et a capturé des clichés dans le lieu où se passe une partie de son récit, et une partie de sa vie en 2015, un mystérieux château à Majorque. Son corps recouvre les murs de la galerie, ainsi que des natures mortes d’objets, d’espaces abandonnés, mais encore empreints d’un parfum. Même le papier mettalic sur lequel elles sont imprimées, comme le Cibachrome, n’existe plus aujourd’hui.
À partir de cette expérience avec Nan Goldin et en écrivant, elle s’est intéressée à cette histoire d’amour sur laquelle elle n’avait pas totalement la main. « L’écriture est une manière de se réapproprier une histoire, d’en devenir actrice avec une possibilité d’action. C’est un endroit d’apaisement. » Blanche se demande pourquoi s’accrocher à une histoire d’amour, comment peut-elle retrouver la légèreté, laisser partir quelqu’un ou s’effacer elle-même, alors qu’elle est attachée à Keith « de coeur et de crime ».
ÉCRITURE TECHNO
« Dans le milieu de la techno, les gens n’ont aucune limite,
c’est parfois triste ou dur, ou beau. » Dans ce festival où se passe la dernière partie du roman, Clémence Veilhan avait
emporté avec elle un livre de Beckett. « Dans ce milieu, il manque les mots, plus personne ne parle. On dit "je t’aime" alors qu’on ne le pense pas. Qu’est ce qu’un mot alors ? Comment raconte-t-on une histoire ? » C’est une des questions que s’est posées l’artiste ayant suivi une formation d’écriture à La Cambre, en parallèle de son métier de photographe.
Keith voit le noir, Blanche cherche à être du côté de la blancheur. « Des amis, des amants, pas mal de drogues (…) Ce livre est le roman d’un amour impossible. En trois nuits, l’amour s’ouvre et se referme. Trois moments où se joue toute une vie. » Le roman s’ouvre sur Keith qui étrangle Blanche. Alors pour Clémence Veilhan il a fallu trouver un endroit de résilience et d’amour, « que l’écriture ne soit pas une souffrance mais un endroit où on la dépasse ». Comme un cérémonial, elle s’est retirée et a écrit, pour essayer de montrer la poésie de cette histoire, « j’ai voulu aller vers le clair, j’aime le noir mais quand il est balancé ». Ses photographies sont comme des fantômes témoignant de la réalité, ou de l’irréalité, de son récit. Quant à son écriture, brute et sauvage – « je suis partie du dernier instant que j’ai vécu pour comprendre en flashback ce qui s’est passé » –, elle lui a servi à créer une sortie, car « si on ne crée pas de l’art, on a tout perdu.»
Une femme, un homme, trois nuits, c’est la toile sur laquelle se trace l’histoire de Clémence Veilhan, sous le nom de Si blanche est la nuit paru aux éditions Exils, en alliance aves ses photographies exposées jusqu’au 14 février.