HARPER'S K.O. ?
EN LANÇANT HARPER'S BAZAAR FRANCE, PRISMA RÊVE DE DÉTRÔNER VOGUE. MISSION IMPOSSIBLE ?
Tout ça pour ça ? Difficile de se dire autre chose en feuilletant le premier numéro de cette édition française de Harper's Bazaar, lancée fin février. Le bébé de Matthias Gurtler chez Prisma, groupe de presse passé sous pavillon Bolloré il y a deux ans, les versions internationales de ce mythique titre Hearst incarnent ce qui se fait de mieux dans la presse de luxe. Tout n'est donc pas à jeter avec cette déclinaison frenchy... Les ados neurasthéniques en couve shootées par Mario Sorrenti ? Pourquoi pas. Les signatures piochées dans le feu Vogue de Roitfeld ? Ces pros rendent leurs articles à l'heure et leur syntaxe est irréprochable. Les shootings qui s'enchaînent ? Ce qu'il y a de plus réussi dans ces pages, rien à dire...
Mais à examiner le mag de plus près, avec sa DA flottante (une âme charitable pour nous dire où commencent et où se terminent les différentes rubriques ?), ses dizaines de p'tites photos de sacs à main republiées sans aucun ajout éditorial, le tout couché sur une maquette plapla-tranquillou (on est plus proche de la DA arty-tristoune du Harper's US que de celle, aristochic, de la version UK, hélas), on se met à rêver du rendu si Prisma avait eu les moyens de se payer un Yorgo Tloupas ou un M/M (Paris). Next time?
VAISSEAU AMIRAL
À la place, on se retrouve avec une identité mi-figue mi-raisin, que l’on doit au pourtant talentueux Franck « Francky » Durand (sa DA pour l'Étiquette est parfaite), qu'on imagine le résultat d'une influence trop pressante, et contre-productive, du service pub. Bref, nous qui aimons la presse écrite par-dessus tout, on a l'impression de lire un magazine produit à la va-vite par des gens qui ne l'aiment plus. Ce qui n'est pas le cas – ressaisissez-vous, camarades du huitième !
Car tous les briscards de la mode et de la presse le savent : les titres existants ne se laisseront pas faire. Si le marché a pu être exaspéré, dans les années 2017-2021, par les titres les plus en vue du groupe leader Condé Nast –, ce qui donnait toute sa raison d'être au lancement du Harper's France –, ceux-ci ont bien rectifié le tir depuis : Vanity Fair, sous la houlette d'Olivier Bouchara, s'est remis aux essentiels et chez Vogue, surtout, Eugénie Trochu a su réinventer ce vaisseau amiral pour en faire, en suivant à la ligne les préceptes de la reine Wintour, un média de nouveau attractif pour les annonceurs. Et s'il fallait parier sur un match entre l'énergique Trochu (Vogue, Condé Nast) et l'ancien de la presse populo Gurtler (Harper's, Prisma), nous misons sur celle qui s'habille en shorts Prada...