« INVENTER SA PROPRE MASCULINITÉ »
LA PHILOSOPHE OLIVIA GAZALÉ DÉCRYPTE LA VIRILITÉ. INTERVIEW.
Vous qui l’étudiez depuis plusieurs années, pensez-vous que la virilité est en train de se réinventer ? Olivia Gazalé :
Ce n’est pas la virilité ellemême qui se réinvente. La virilité est un idéal normatif de supériorité et de puissance physique, économique, sexuelle, guerrière… - qui demeure très prescriptif pour de très nombreux hommes. Ce qui se réinvente, ce sont les masculinités, à savoir toutes les façons, variées, d’habiter le genre masculin. Chaque homme peut inventer sa propre masculinité, ou sa propre non-binarité, avec beaucoup plus de liberté qu’autrefois. Mais ça ne doit pas faire oublier qu’à l’inverse, d’autres hommes, dits masculinistes, radicalisent au contraire leur aspiration à être « un homme, un vrai » et continuent de cultiver agressivement l’idéal viriliste.
La virilité devient-elle une qualité de plus en plus adoptée par les femmes ?
Depuis l’Antiquité, la civilisation occidentale a essentialisé le féminin et le masculin en privant la femme de tous les attributs dits « virils », comme la rationalité, la force, le courage, le goût du risque, l’audace, la détermination ou l’appétit de victoire. En réalité, les femmes ont toujours possédé ces qualités, mais on les a longtemps persuadées du contraire, en raison de leur « infériorité naturelle ». Aujourd’hui, elles démontrent qu’elles peuvent aussi se montrer « viriles », et même héroïques. Partout où elles ont obtenu le droit d’exercer un « métier d’homme », de faire du sport ou de se battre, elles prouvent leur excellence.Les Iraniennes, les Ukrainiennes ou les Afghanes en sont d’éloquents exemples.
La virilité peut-elle se débarrasser de toute masculinité toxique ?
Ce que beaucoup d’hommes comprennent aujourd’hui, c’est que le mythe de la virilité est un piège pour les deux sexes : il est aussi toxique pour les femmes que pour les hommes. À bon entendeur...
Le Mythe de la virilité : un piège pour les deux sexes (Robert Laffont)