ET LE GONCOURT EST ATTRIBUÉ À...
Christine Angot serait-elle la planche de salut pour les coutumiers historiques de la place Gaillon ? Après avoir trifouillé à la recherche d’une potentielle relève – Leïla Slimani, Muriel Barbery, Marie Ndiaye, Amélie Nothomb, Brigitte Giraud ont toutes refusé (alors que les jurés des grands prix se voient proposer des à-valoirs majorés, allez savoir pourquoi*) –,
Paule Constant, jurée au Goncourt depuis 2013 et éditée chez Gallimard depuis toujours, a suggéré que l’auteure du Voyage
dans l’Est (prix Médicis en 2021) succède à Patrick Rambaud (il a quitté le jury pour raisons de santé). Résultat ? Quatre femmes pour six hommes siègeront dans le salon du Drouant.
De quoi les décoincer de leur posture académiquepatapouf ? En filant une place à une figure médiatisée, le prix Goncourt s’évite l’écueil du cercle de vieux beaux ringards, tout en marquant des points côté stratégie de vote. Car avec Angot, c’est une place de plus au jury Goncourt pour Madrigall (Gallimard, Flammarion, P.O.L.), le groupe qui édite ses bouquins-confessions. Le clin d’oeil au parrain de l’édition Antoine « Tonio » Gallimard n’est peut-être pas discret, mais fichtrement efficace.
Au Goncourt, cinq membres sur dix sont désormais de la maison Gallimard (Tahar Ben Jelloun, Paule Constant, Pierre Assouline, Camille Laurens et Angot, tous chez Gallimard). Le mot d’ordre pour cette édition 2023 ? Faire oublier le fiasco de l’an dernier, quand le prix a été attribué à Brigitte Giraud pour son livre sur le deuil Vivre vite (contre l’avis du juré Tahar Ben Jelloun, qui s’est illico désolidarisé de ce choix). Si Giraud est chez Flammarion (Madrigall), le boss du groupe aurait préféré que le Goncourt aille au Mage du Kremlin de l’Italo-Suisse Giuliano da Empoli, publié, lui, en « Blanche » chez Gallimard. Résultat ?
Des ventes décevantes pour le Giraud, et un patron à contenter cette année…
Dans tout ce mic-mac, les jurés du Goncourt tentent aussi de pallier une autre avarie : depuis peu, ils voient leur influence et leurs ventes se faire doubler par l’autre prix de la maison, celui des lycéens. Il faut croire que les avis d’ados de première ont plus d’effet sur les lecteurs que les combines rubempresques.
Le conseil de Technikart pour ce retour gagnant ? Filez le prochain prix à Akira Mizubayashi (Reine de coeur, 2022) – Éric Reinhardt et Lilia Hassaine ne sont pas trop mal non plus. Voilà de quoi redonner la banane à Tonio Gallimard. Juré, craché.