TELEMAGAZINE

ISABELLE ADJANI “Diane de Poitiers ne flanche jamais. J’adore ! ”

Isabelle Adjani incarne Diane de Poitiers, figure du XVIe siècle, dans la série en deux volets de Josée Dayan sur France 2. Interview d’une comédienne réfléchie qui ne se prend pas pour la star qu’elle est pourtant.

- PAR NATHALIE VIGNEAU

On vous a souvent confié des personnage­s historique­s. Auriez-vous l’âme d’une reine ?

Peut-être que dans une vie antérieure, j’ai été à la cour de l’un ou de l’autre. (Elle rit.) C’est une espèce de couronne symbolique autour de ma tête, mon mystère à moi.

Quand Josée Dayan vous a proposé de jouer Diane de Poitiers, la favorite du roi Henri II de France, avez-vous accepté tout de suite ? Oui, parce que c’est un personnage essentiel dans la lignée des Valois. Il y avait aussi une grande place pour l’imaginaire puisqu’on n’a pas de sources historique­ment très riches. Je crois que Josée (Dayan, également réalisatri­ce de Capitaine Marleau, ndlr) la voyait un peu comme une actrice star de son époque. On se dit qu’aujourd’hui, elle aurait un sacré pouvoir. Elle est à la fois capable de discrétion et absolument indestruct­ible. On l’attaque sans arrêt mais elle ne flanche pas. Ça, j’adore ! Diane souffre tout de même de son amour pour Henri II…

Mais elle souffre en silence. Elle a su tenir son rang dans la durée sans mettre en danger la couronne. Pas de bâtard, pas de caprices, pas d’illusions mais pas de soumission non plus. Et ça, c’était très fort. À mon avis, c’est son côté Camilla (l’épouse de Charles III, ndlr). (Elle rit.) Qu’est-ce que vous préférez chez elle ?

Elle ne se laisse jamais dominer par l’amour. Elle n’est dans aucune dépendance. Elle respecte Henri II dans sa conjugalit­é puisqu’elle va jusqu’à l’aider à procréer avec Catherine de

Médicis. Cette dernière la détestait parce qu’elle savait qu’elle régnerait toujours sur le coeur d’Henri II. Il était admiratif de cette maîtresse plus âgée et ne pouvait se passer d’elle.

Elle semble avoir trouvé un élixir de jeunesse…

Pour lequel on la critique à tout va ! (Elle rit.) Elle se prend toujours une vanne de la part de l’une ou de l’autre, mais elle ne moufte pas.

Le vieillisse­ment est un sujet pour tout le monde. Quel rapport entretenez-vous avec votre beauté ? Avant d’accepter de me trouver belle quand on pouvait me dire que je l’étais, j’ai mis des années. Je pensais que je

ne l’étais pas, qu’on me mentait, que c’était une vile flatterie… Évidemment, maintenir une beauté extérieure est aussi un des impératifs d’aujourd’hui. Mais tout commence et finit par soi : il faut se trouver belle, soi. À partir du moment où on s’entend avec soimême, tout va mieux.

Mieux que lorsqu’un homme vous dit que vous êtes belle ?

Ça, c’est une catastroph­e ! Je ne l’entends plus. C’est peut-être un des effets pervers de #MeToo, ça me dérange presque. J’y vois rarement de la spontanéit­é.

Pourriez-vous comme Diane, aimer quelqu’un de plus jeune que vous ? C’est-à-dire que ce sont des relations qui sont condamnées dans le temps, mais que l’on n’a pas à s’interdire pour autant. D’autant que d’ordinaire, ce sont plutôt les hommes que l’on voit avec des femmes plus jeunes… Heureuseme­nt que #MeToo est passé par là. Les femmes commencent un peu à mettre des coups de pied dans l’unilatéral.

L’amour, cela fragilise toujours selon vous ?

C’est absolument inévitable, mais c’est mieux quand cela ne fragilise pas trop. Parce qu’à ce moment-là, cet amour, on ne peut plus le vivre dans la sérénité. Il se produit de la discorde dans l’harmonie qu’on devrait ressentir. Et si ça commence à détraquer ce que vous avez à faire dans la vie, votre travail, vos centres d’intérêt… Si tout s’annule pour l’autre, ça vous annule aussi à la fin. (Elle rit.) Vous avez déclaré dans Paris Match que vous étiez seule. Vos fils (43 ans et 27 ans) estiment que cela vous permet de faire votre métier «parce qu’il n’y a plus personne pour vous empoisonne­r la vie». Ont-ils raison ? Exactement. Je n’ai jamais eu autant de temps pour mon travail, mes hobbies, ce que j’aime faire. Je n’ai pas à dire : «Veux-tu venir avec moi ?», «Tu n’as pas envie, alors je vais rester», etc. Petits sacrifices sur petits sacrifices, ça n’a l’air de rien mais finalement, on se rend compte qu’on est capable d’étouffer ce qu’on aime dans la vie pour que l’autre respire mieux. Il finit par respirer très bien et vous, vous avez une bronchite ! (Elle éclate de rire.) Plus une femme s’aime et est rassurée par elle-même, moins elle peut tomber dans les pièges d’une forme de soumission.

Vous sentez-vous plus sûre de vous aujourd’hui ?

À un moment de sa vie, on a le choix. Est-ce que ce que j’ai fait mérite que je m’accorde cette confiance ? Est-ce que j’ai besoin de l’autre pour maintenir ma confiance en moi ? Continuer à douter devient dangereux pour l’équilibre.

On voit en tout cas que vous vous amusez beaucoup plus au cinéma. Quelque chose s’est lâché en vous? Je m’autorise à m’amuser en amusant les autres, c’est vrai. Mais pour faire cela, il faut se sentir bien. Tant qu’on se sent mal, on ne peut pas faire de la comédie. À quoi ressemble le quotidien d’Isabelle Adjani aujourd’hui ?

J’ai les journées de tout le monde en fait. J’essaie d’y apporter un peu de fantaisie avec des bonheurs simples comme un appel d’un fils qui est loin. Vous partagez votre temps entre le Portugal et la France ?

Là-bas personne ne reconnaît personne. Le type qui dirige le pays va à la plage et on le laisse tranquille. C’est l’anonymat dans toute sa splendeur. Le bonheur ! „ *Isabelle Adjani sera à l’affiche de Mascarade le 1er novembre en salles (lire p. 98)

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Hugo Becker est Henri II
Marguerite de Navarre (Jeanne Balibar) comme alliée Hugo Becker est Henri II
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Sur le tournage avec la réalisatri­ce, Josée Dayan
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Au coude à coude avec sa rivale, Anne de Pisseleu (Virginie Ledoyen)
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