TELEMAGAZINE

Camélia Jordana Plutôt deux voix qu’une

Révélée dans Nouvelle Star, la chanteuse se sera attachée à ce que sa parole ne soit pas seulement celle de l’artiste mais aussi de la citoyenne. Une sincérité parfois à double tranchant.

- PAR OLIVIER PETIT

Paul Éluard disait qu’il n’y avait pas de hasard, seulement des rendez-vous. Celui de Camélia Jordana eut lieu fin 2008. Elle a 16 ans quand la caravane de Nouvelle Star fait halte à Marseille pour sa moisson de candidats, en vue de la saison 7. Le père de l’adolescent­e, chef d’entreprise de transport de béton, taille avec elle les cent kilomètres qui séparent leur foyer varois à La Londeles-Maures de la cité phocéenne. Camélia se retrouve sur la scène du Pavillon Baltard au printemps 2009, avec une garderobe 70’s et des lunettes à la Nana Mouskouri. Surtout, il y a cette voix jazzy qui stupéfie le jury et permet à l’ado de voguer de prime en prime en reprenant Carla Bruni, Marilyn Monroe, Charles Trenet ou les Rolling Stones. À chaque chanson, les jurés sont en lévitation. C’est dire la stupeur lorsqu’elle est éliminée en demi-finale le 2 juin 2009. Pourtant, ce jour-là, tout commence, comme un destin écrit d’avance, car Sony Music

France décide de la prendre sous contrat pour un premier album. La nouvelle vie de Camélia l’oblige à quitter la maison bourgeoise avec piscine dans laquelle elle a grandi. Le succès est au prix d’une rupture avec cet écrin d’enfance du Sud, quand elle poussait les vocalises dans le sillage d’une mère thérapeute, chanteuse lyrique amateur. «Mes proches n’en pouvaient plus et me demandaien­t tout le temps de me taire !» dira l’artiste. Pour l’heure, la voilà installée dans un studio à Paris, encore mineure, gérant à distance des parents inquiets de voir leur enfant livrée aux démons de la capitale. Elle tentera bien d’achever sa scolarité par correspond­ance mais y renoncera vite. Le 29 mars 2010 sort Camélia Jordana, premier opus qui se vendra à plus de 100 000 exemplaire­s. Dès lors, la machine showbiz passe en mode turbo, cinq albums en onze ans. Une gloire qui se décline bientôt devant les caméras, car la belle Varoise a une sacrée présence et a naguère pris des cours de théâtre, en marge de ceux de piano auxquels l’avaient inscrite ses parents, histoire de canaliser une hyperactiv­ité créative. On lui fait jouer la fille rentre-dedans qui se rebelle contre les préjugés raciaux (Le Brio, césar du Meilleur espoir féminin), la combattant­e qui part en Syrie lutter contre Daesh (Soeurs d’armes), ou la noctambule tourmentée qui aide un immigré clandestin chinois (La Nuit venue). Autant de prolongeme­nts par la fiction d’une autre Camélia, militante et grande gueule, bien connue aujourd’hui pour les polémiques suscitées par ses diatribes anti-système. Sa spontanéit­é l’a souvent fait déraper vers des perception­s ambiguës, notamment sa double obsession du blanc oppresseur et du flic assassin. On ne compte plus les levées de boucliers, même la Licra s’est indignée de son attitude, c’est dire… Beaucoup s’insurgent qu’une personne n’ayant jamais connu autre chose que l’opulence se pose en avocate des exclus. Une nature de militante qui lui vient peut-être de ce grand-père kabyle, engagé en pleine guerre d’Algérie auprès des indépendan­tistes du FLN. La chanteuse propose une autre analyse où se confondent l’être et le paraître, dualité encombrant­e de la célébrité : «Quand on m’a connue, j’appartenai­s aux gens, je vivais dans leur télé. Dix ans passent, et c’est dérangeant pour eux de me découvrir soudain en tant que femme, avec des prises de parole construite­s. Ce n’est peut-être pas cette fonction-là que je suis censée avoir pour eux…» Il est vrai qu’on ne s’attendait pas à la voir à la une de L’Obs en Marianne à sein nu, signe d’un ralliement républicai­n bien éloigné de son supposé racisme anti-Blanc. De même qu’elle cria sa colère contre l’islamisme en chantant pour les victimes des attentats de 2015. Et comme Camélia aime aller jusqu’au bout de ses combats, on la verra, à partir du 2 novembre, en victime du Bataclan dans l’adaptation du livre d’Antoine Leiris Vous n’aurez pas ma haine (lire p. 98). „

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Meilleur espoir féminin pour en 2018
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