Hiroshi Sugimoto, voyage dans le temps
Cet automne, la Hayward Gallery consacre une immense rétrospective au photographe Hiroshi Sugimoto. L’exposition ouvre sur des oeuvres relativement méconnues, qui révèlent l’intérêt de l’artiste japonais pour l’histoire de la photographie. Sugimoto a souvent utilisé un appareil photo en bois, concoctant ses propres bains chimiques dans une chambre noire, avant de développer les clichés à la main. Ses dioramas des années 70 mettent l’accent non pas sur le monde naturel qu’ils décrivent, mais sur la représentation dramatique de la nature, mise en scène pour un public venu se divertir au musée. Le médium photo apparaît ici comme un outil documentaire autant que mensonger, et c’est souvent dans cet interstice que l’artiste choisit de cultiver une poésie étrange et captivante. La série des Seascapes en est la preuve : une hérésie qui envoie balader le ratio convenu des compositions de paysages, pour basculer vers un abstrait méditatif proche du travail de Mark Rothko. Plus loin, dans les étages, les prises de vues explorent l’idée du temps et de la mémoire, à l’image de ses fameuses salles de spectacle Theaters. En fait d’écran blanc, c’est en réalité une oeuvre complète qui s’offre à nous ; on accède à l’essence d’un film entier qui a défilé devant l’objectif pendant toute la durée de pause du cliché. Il ne s’agit pas d’un morceau choisi ni d’un symbole, mais bien d’un tout sans concession, de la même manière que Picasso, en quête de vérité, s’était mis à peindre toutes les facettes d’un même visage, entraînant la naissance du cubisme. Ailleurs, les propositions relativement récentes des Lightning Fields (2006) et Opticks (2018) témoignent de la passion de Sugimoto pour les mathématiques et les sciences optiques. Dans cette dernière série, la couleur apparaît, capturée à la manière de Newton, avec un prisme. Elle est ensuite retransmise sur la surface avec un appareil Polaroid pour constituer « une peinture de protons ».
Hiroshi Sugimoto : Time Machine, Hayward Gallery, du 11 octobre au 7 janvier. southbankcentre.co.uk