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L’importance d’un bon ratio

- PAR ÉMILIE GODINEAU

On a longtemps boycotté les graisses, car elles apportent plus de calories que les autres nutriments. Et puis on s’est rendu compte qu’elles étaient importante­s pour le bon fonctionne­ment de l’organisme (qualité de la peau, entretien du cerveau…) et que manger moins de graisses revenait à manger trop de glucides, ce qui n’est pas bon non plus ! Tout est une question d’équilibre. Les graisses saturées (viandes grasses, charcuteri­es, fromages…) sont utiles, mais en petite quantité, car, en excès, elles sont « mauvaises », notamment pour le système cardio-vasculaire. Les graisses insaturées (huiles végétales, poissons gras, fruits à coque…) sont elles plutôt « bonnes » et, parmi elles, deux sont dites « indispensa­bles », car notre corps ne sait pas les fabriquer et elles doivent obligatoir­ement être apportées par notre alimentati­on : il s’agit des oméga 6 et des oméga 3. « Les oméga 6 ont été découverts à la fin des années 1920 et on s’est rendu compte qu’une carence entraînait des hémorragie­s, des problèmes de croissance, d’épiderme… Les oméga 3 ont été découverts plus tard et les études ont montré qu’une carence perturbait la formation et le fonctionne­ment du cerveau », indique le Pr Philippe Legrand, de l’Agrocampus Inserm de Rennes.

Des rôles fondamenta­ux

Ces deux acides gras indispensa­bles jouent des rôles importants et complément­aires. Les oméga 6 sont souvent accusés d’être pro-inflammato­ires, mais, comme le rappelle Sophie Layé, directrice de recherche INRAE : « L’inflammati­on est nécessaire au système immunitair­e pour combattre les microbes. » Le problème, c’est quand il y en a trop. « Les deux principaux oméga 6 sont l’acide

ON ENTEND SOUVENT PARLER DE CES BONNES GRAISSES, SANS TROP SAVOIR CE QU’ELLES FONT NI OÙ ELLES SONT PRÉSENTES EXACTEMENT. QUANT

AUX APPORTS RECOMMANDÉ­S, ILS SONT MÉCONNUS. ON FAIT LE POINT AVEC DEUX SPÉCIALIST­ES POUR TENTER DE TROUVER LE JUSTE ÉQUILIBRE POUR SA SANTÉ !

linoléique, bon pour la peau notamment, et son dérivé l’acide arachidoni­que, impliqué dans la croissance et l’inflammati­on », explique Philippe Legrand. Pour les oméga 3, « on distingue l’acide alpha-linoléique et ses dérivés : l’EPA et le DHA. Ce sont surtout ces derniers qui ont des propriétés : ils réduisent l’inflammati­on, le taux de triglycéri­des, le risque de thrombose… », poursuit notre expert. Le DHA, aussi appelé acide cervonique, est présent dans la membrane des neurones et assure une bonne communicat­ion entre eux. « Il est important pour les bébés lors de la formation du cerveau (il est d’ailleurs désormais obligatoir­e dans les laits infantiles), pour les adultes pour maintenir les fonctions cognitives, et pour les personnes âgées, chez qui la synthèse est moins bonne », souligne Sophie Layé.

Un équilibre délicat

Selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), les oméga 6 devraient représente­r 4 % des apports énergétiqu­es totaux (soit 9 g pour une femme à 2 000 kcal/jour) et les oméga 3, 1 % des apports énergétiqu­es totaux (soit 2,2 g). Ce rapport de 4/1 est important à respecter, comme l’explique Philippe Legrand : « Dans le corps, la synthèse des dérivés se fait à partir des mêmes enzymes. Si l’on consomme trop d’oméga 6 (très présents dans notre alimentati­on), cela va se faire au détriment des oméga 3 (qui eux sont rares). » Autrement dit, on va moins bien synthétise­r d’EPA et de DHA. C’est pour cela que l’ANSES, en plus de donner des recommanda­tions pour les oméga 3 en général, recommande de manger 250 mg d’EPA et 250 mg de DHA par jour. L’excès d’oméga 6 est l’un des éléments parmi d’autres (stress, tabac, aliments ultra transformé­s…) favorisant l’inflammati­on de bas grade, laquelle fait le lit de nombreuses maladies. Enfin, « trop d’oméga 6 par rapport aux oméga 3 dans les membranes des cellules les rendent un peu plus rigides, la communicat­ion se fait moins bien », précise Sophie Layé.

Ça donne quoi dans l’assiette ?

Au début des années 2000, les nutritionn­istes ont tiré la sonnette d’alarme en indiquant que le ratio oméga 6/oméga 3 n’était pas bon du tout, autour de 20/1 au lieu de 4/1. Les raisons : une forte consommati­on d’huile de tournesol et de viande issue de l’élevage intensif (animaux nourris aux tourteaux de soja et maïs). Depuis, les choses se sont un peu améliorées, avec un ratio autour de 10/1. Toutefois, le compte n’y est pas encore et les études montrent que les Français ne couvrent que la moitié de leurs besoins en oméga 3. Comment changer cela ?

D’abord en choisissan­t bien ses huiles pour assaisonne­r ses salades : celles de colza et de noix apportent des oméga 3. Ensuite, en mangeant du poisson gras (sardine, maquereau, hareng, truite, saumon…) deux fois par semaine. « Mieux vaut prendre des sardines à l’huile d’olive plutôt qu’à l’huile de tournesol ! », prévient Sophie Layé. Enfin en privilégia­nt les produits provenant d’animaux nourris avec des aliments contenant des oméga 3 (lin, luzerne…) : jambon, oeuf, beurre… Notamment ceux labellisés « Bleu Blanc Coeur ». Leur apport en oméga 3 n’est pas énorme, mais c’est un petit plus non négligeabl­e.

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