CANCER DU POUMON
UNE MEILLEURE SURVIE !
Comment expliquer cette augmentation ?
Dr Didier Debieuvre. Elle est surtout préoccupante chez la femme, avec une incidence qui a doublé entre 2000 et 2020. Depuis une cinquantaine d’années, les femmes fument presque autant que les hommes, et on sait que 87 % des cancers du poumon sont attribuables au tabac. Malheureusement, le cancer du poumon est souvent diagnostiqué à un stade avancé (60 % des cas), car il ne se manifeste en général que par des signes peu spécifiques (fatigue, toux). …
Ne peut-on envisager un dépistage organisé ?
Dr D. D. Plusieurs essais cliniques de grande envergure ont montré l’efficacité du seul scanner thoracique faible dose pour le dépistage de ces cancers chez les fumeurs et anciens fumeurs, mais reste à déterminer précisément la population ciblée et les modalités. Nous attendons les recommandations du groupe de travail de l’Institut national du cancer (Inca) qui devraient aboutir à la mise en place d’expérimentations pilotes régionales en 2025 puis, on l’espère, à un dépistage généralisé en France d’ici à 2030.
Tous les cancers du poumon se valent-ils ?
Dr D. D. Non, en fonction de la nature des cellules tumorales retrouvées lors de la biopsie, on distingue les cancers bronchiques non à petites cellules (85 % des cancers du poumon) des cancers bronchiques à petites cellules, beaucoup moins fréquents (15 %), mais souvent beaucoup plus agressifs.
La chirurgie est-elle incontournable ?
Dr D. D. Si la tumeur est localisée (20 à 30 % des cas) et que sa taille le permet, elle est retirée, ainsi que les ganglions lymphatiques voisins pour limiter le risque de récidive. Si besoin, on y associera de la chimiothérapie et/ou une radiothérapie thoracique externe. En présence de métastases ou en cas de cancer bronchique à petites cellules, la tumeur est très rarement opérable, alors on proposera une chimiothérapie, parfois combinée localement à la radiothérapie, pour améliorer les chances de survie.
Depuis 2010, les médecins disposent de thérapies ciblées, de quoi s’agit-il ?
Dr D. D. Ces médicaments par voie orale sont mieux tolérés que la chimiothérapie et surtout beaucoup plus efficaces, puisqu’ils donnent entre 40 % et 80 % de bons résultats, avec une espérance de vie de plusieurs années. Mais ils sont réservés aux personnes chez qui l’analyse moléculaire de l’ADN des cellules cancéreuses a permis d’identifier l’une des quatre grandes anomalies responsables du développement du cancer (EGFR,
EN AUGMENTATION CONSTANTE, LE CANCER DU POUMON BÉNÉFICIE DE NOUVEAUX TRAITEMENTS QUI PROLONGENT LA SURVIE. EXPLICATIONS DU DR DIDIER DEBIEUVRE, ONCOPNEUMOLOGUE À L’HÔPITAL ÉMILE-MULLER DE MULHOUSE.
ALK, ROS1 ou BRAF) et le traitement doit être adapté régulièrement, car au fil du temps les cellules cancéreuses développent des résistances.
Certains malades bénéficient aussi d’une immunothérapie avant leur chimiothérapie…
Dr D. D. C’est le cas lorsqu’aucune anomalie moléculaire n’a été identifiée et que plus de la moitié des cellules cancéreuses se sont révélées fortement positives au récepteur PD-1 et à la protéine PD-L1 (30 % des cas). Dispensé par perfusion en hôpital de jour, ce traitement (5 molécules ont aujourd’hui une autorisation de mise sur le marché) attaque « le camouflage » des cellules cancéreuses, qui se retrouvent ainsi à découvert et peuvent alors être détruites par le système immunitaire. L’immunothérapie permet parfois de très longues survies, voire des « guérisons » puisque certaines personnes vivent sans traitement depuis plus de 5 ans.