LE POINT EXPERT AVEC LE PR JEAN-LUC PUEL
Pourquoi avoir fait des acouphènes le thème de la Journée nationale de l’audition (JNA) cette année ?
Pr J.-L. P. La campagne résume assez bien l’enjeu autour des acouphènes. On n’en parle pas assez, et quand on en parle, ce n’est pas suivi d’effets. Or les acouphènes concernent de plus en plus de Français, et un public de plus en plus jeune. Nous avons réalisé il y a quelques années une étude auprès des DJ professionnels âgés en moyenne de 26 ans : les trois-quarts d’entre eux souffraient d’acouphènes après 6 ans de pratique, à raison de trois soirées passées à travailler par semaine. Sans être DJ, les traumatismes sonores aigus peuvent à la longue provoquer des acouphènes. Une oreille qui siffle à la sortie d’un concert, par exemple, même si le sifflement est temporaire, est le signe d’une souffrance de l’oreille interne, et le premier signal d’alarme. Aujourd’hui, 20 % de la population souffre d’acouphènes, souvent sans prise en charge efficace.
C’est-à-dire ?
Pr J.-L. P. Il n’y a malheureusement pas de prise en charge des acouphènes en France à ce jour. Nous militons avec l’association de patients France acouphènes pour l’établissement d’un « panier médical », de manière à améliorer le diagnostic, mais aussi le remboursement des soins. Aujourd’hui, les personnes consultent souvent trop tard [plus les acouphènes sont traités tôt et meilleures sont les chances de réussite des thérapies mises en place, ndlr] ou les médecins n’ont pas les outils ou le temps nécessaires : une consultation ORL peut durer une heure pour correctement diagnostiquer la cause d’un acouphène.
Cette prise en charge doit donc être rémunérée en conséquence. Côté remboursement, pour l’Assurance maladie, les acouphènes n’existent pas, il n’y a donc aucune prise en charge financière. Un « panier médical acouphènes » pourrait changer la donne car, sans parcours de soins, les gens errent seuls avec leur problème, sans solutions, avec un risque de dérive vers des méthodes « alternatives » qui n’ont aucun autre intérêt que celui d’alléger leur portefeuille !
Pourquoi est-il si important de poser un diagnostic précoce ?
Pr J.-L. P. Parce que les acouphènes s’auto-entretiennent, tout comme la douleur quand elle devient chronique. La sensibilité au bruit devient résistante, on a alors la sensation d’un acouphène de plus en plus fort. Malheureusement, il n’existe pas de médicament miracle pour traiter les acouphènes. Même si de nouvelles molécules sont en test, il est crucial de mettre en place au plus tôt les outils dont nous disposons.
« 20 % de la population souffre aujourd’hui d’acouphènes, souvent sans prise en charge efficace. »