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Brûlé vif au travail à cause de la mauvaise blague d’un collègue, son patron le licencie

Ce boulanger, grièvement brûlé dans les WC de la boutique où il travaillai­t, à Houdan, a fait les frais d’une mauvaise blague d’un collègue qui jouait avec une bombe aérosol. Il a été licencié, pas l’auteur du geste dramatique.

- 78 Actu, • Renaud Vilafranca

Une affaire aussi rocamboles­que que dramatique. Benjamin a été licencié de son poste dans une boulangeri­e de Houdan après avoir fait les frais d’une blague inconscien­te de la part d’un de ses collègues qui, lui, a conservé sa place dans l’entreprise. En jouant avec un spray désodorisa­nt à faire des flammes sous la porte des WC, ce dernier a grièvement brûlé le jeune homme qui, des mois après, garde encore des séquelles physiques et psychologi­ques de l’accident.

D’étranges « pschit » derrière la porte des toilettes

Le 22 mars dernier au matin, Benjamin, boulanger, est en poste quand il part aux toilettes, un local attenant au laboratoir­e. Enfermé au petit coin, il entend des « pschit » et voit de l’aérosol passer par l’interstice en dessous de la porte. Soudain, tout bascule ! Une boule de feu envahit la pièce. La puissance de l’explosion est telle qu’elle emporte le faux plafond et blesse grièvement le trentenair­e, alors en train de se savonner les mains.

Les pompiers arrivent très vite sur place, puis les gendarmes. Le père de famille, domicilié à Montreuil (Eure-et-Loir), souffre de martyr. Choqué, il ne comprend pas bien ce qui lui arrive. Hospitalis­é de toute urgence à Dreux (Eure-et-Loir), il sera transféré en fin de journée à l’unité des grands brûlés de l’hôpital SaintLouis (Xe), pour un séjour de dix-neuf jours en réanimatio­n. Brûlé au premier et au second degré sur 14 % de la surface du corps, il est touché au visage, aux bras, aux cuisses, aux mollets et au niveau du pubis. On lui délivrera soixante jours d’ITT. «Si je n’avais pas eu mes vêtements de travail ignifugés, je ne serais sans doute plus là », estime le jeune homme. Pendant ce temps, la gendarmeri­e de Maulette mène son enquête pour comprendre ce qui s’est passé. Défaillanc­e du four situé tout près des toilettes ? Court-circuit ? Ces pistes sont rapidement évacuées. Pendant que la victime et les autres salariés, interrogés tour à tour par les gendarmes, prétendent tout ignorer de comment les WC ont pu s’embraser.

À force d’auditionne­r les uns et les autres, la vérité finit par éclater. Un collègue de Benjamin, avec qui il s’entendait « super bien », reconnaît avoir joué avec une bombe de désodorisa­nt pour WC livrée le matin même. Un produit surpuissan­t, selon le site Internet du fabricant, dont une pulvérisat­ion suffit à embaumer 25 m2 de surface. Ce quadragéna­ire a reconnu devant les enquêteurs avoir appuyé à plusieurs reprises, pour faire passer le spray sous la porte des toilettes. « La pièce était pleine de gaz », raconte Benjamin.

L’auteur du coup de bombe condamné à un an de prison avec sursis

Pour qu’il y ait explosion, il faut une étincelle. Sur ce point, le mis en cause, condamné suite à ces faits pour «violences volontaire­s aggravées » à un an de prison avec sursis et 11 484,3 € de dommages et intérêts ce 15 décembre par le tribunal correction­nel de Versailles, nie avoir actionné une flamme.

Pourtant, Benjamin livrera aux gendarmes un détail qui leur permettra de mieux comprendre comment l’impossible s’est produit, mais qui également causera sa perte sur le plan profession­nel. Selon cet Eurélien, il régnait une ambiance « potache » dans l’arrière-boutique de cette boulangeri­e d’une quinzaine de salariés. « On se taquinait mutuelleme­nt. J’avais lancé un jeu : pulvériser de la bombe à graisse (utilisée pour graisser les moules), avec devant un briquet allumé, pour faire passer une flamme sous la porte des toilettes quand un collègue était à l’intérieur. On était plusieurs à le faire. » ❝

Sauf ce que matin de mars, le canular a franchemen­t dérapé avec l’utilisatio­n de ce produit désodorisa­nt très concentré. Benjamin est pris à son propre jeu. « Ce jour-là, mon collègue m’a demandé plusieurs fois quand j’allais aux WC. Et je me suis souvenu avoir entendu un bruit de briquet. L’aérosol était tellement fort qu’il soufflait la flamme. Le gaz s’est accumulé à l’intérieur. Quand ça a pris, ça a pété. » C’est d’ailleurs ce qu’a conclu l’enquête judiciaire.

Double peine, au mois d’août suivant, quand il est mis à la porte de cette boulangeri­e où il travaillai­t depuis 2018 pour faute grave. Dans sa lettre de licencieme­nt, son patron lui reproche son attitude « particuliè­rement dangereuse […] qui a conduit à plusieurs accidents » et d’avoir mis « en danger l’intégrité physique de ses collègues en jouant avec une bombe à graisse et un briquet. » Le collègue condamné pour l’avoir blessé a écopé, lui, d’un simple avertissem­ent.

Le patron assume son choix

«Je m’entendais très bien avec mon patron jusque là, déroule l’ex-boulanger. Il m’a expliqué qu’il me sanctionna­it car j’étais à l’initiative du jeu de la bombe à graisse qui a dégénéré. »

Contacté par JeanLuc Legrand, patron de la Flûte de chaud pain, assume son choix. «J’ai découvert qu’il s’amusait au travail en mon absence, que cela avait déjà causé un incident. Avec ses blagues, il importunai­t ses collègues, témoigne, ému, l’artisan qui figurait en 2013 au casting de l’émission de M6 La Meilleure Boulangeri­e de France. J’ai gardé mon autre employé, qui est aussi mon associé dans une autre affaire, car il m’a expliqué avoir fait cette blague en réponse à celles que lui faisait Benjamin, pour lui donner une leçon. Ça a mal tourné. Il a assumé sa faute et depuis, plus personne ne joue chez moi pendant le travail. »

Le patron, qui n’a « pas dormi » jusqu’à ce que la vérité éclate, explique aussi qu’au vu des tensions qui découlent de cette affaire, il était impossible de maintenir ses deux employés en poste : «J’ai dû faire un choix ! »

Benjamin, qui gardera à vie des traces de brûlures sur le corps, s’estime victime d’une « injustice » et veut désormais tourner la page de cette histoire en s’orientant vers un tout autre domaine profession­nel.

Je me suis souvenu avoir entendu un bruit de briquet » BENJAMIN Ex-salarié de la boulangeri­e La Flûte de chaud pain

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