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La décharge sauvage, symbole d’un fiasco à côté du Vélodrome national

À moins de 200 mètres du Vélodrome national, il reste une décharge qui illustre le fiasco politique de la gestion de l’Île de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines.

- • Ludovic VINCENT

Je reçois cette demande alors que nous sommes en pleine négociatio­n sur les nouveaux statuts et que nous avions déjà versé 230 000 euros en mars 2023 et 50 000 euros auparavant. PATRICK KARAM, VP RÉGION IDF.

C’est la méthode utilisée par Patrick Karam, agressive et violente. Comment voulez-vous que les élus votent les statuts après ça ? ALI RABEH, MAIRE DE TRAPPES.

❝ Le chantier de nettoyage n’a jamais été engagé. Je n’ai pas reçu les crédits. JOSÉ CACHIN, PRÉSIDENT DE L’ÎLE DE LOISIRS

« L’Île de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines, c’est une gestion à la gribouille, avec des coûts qui ont explosé et plus de salariés que dans n’importe quelle autre Île de loisirs. On me demande de payer et de fermer les yeux. Je n’ai aucun pouvoir sur sa gestion. » PATRICK KARAM, VP DE LA RÉGION IDF

C’est une décharge sauvage qui s’étend sur plusieurs centaines de mètres carrés au fond de l’ancien camping de l’Île de loisirs de Saint-Quentinen-Yvelines, l’héritage d’une déchetteri­e clandestin­e qui aurait fonctionné jusqu’en 2022.

L’histoire de ces déchets et gravats abandonnés est intimement liée à celle de la gouvernanc­e de l’Île de loisirs dont le syndicat de gestion est en cours de dissolutio­n dans les bureaux préfectora­ux depuis le 31 décembre 2023.

Le tripartism­e a vécu, après plus de dix ans d’une crise qui a abouti à l’explosion du comité syndical, composé de la Région Île-de-France (propriétai­re du foncier) qui finançait l’investisse­ment, du Départemen­t des Yvelines et de l’agglomérat­ion de Saint-Quentin-en-Yvelines, chargés de financer le fonctionne­ment (lire nos éditions précédente­s).

Aujourd’hui, les trois collectivi­tés sont dirigées par une présidente et des présidents — Valérie Pécresse à la Région, Pierre Bédier au Départemen­t et Jean-Michel Fourgous à l’agglomérat­ion — (tous membres LR). Mais c’est à tous les étages qu’un dialogue de sourds a fini par conduire au départ du Départemen­t, en mars 2023, suivi de la crise du mois de décembre 2023.

Un chantier de 17 semaines pour plus de 800000 euros

C’est à ce moment que la décharge, sujet de discorde parmi d’autres, s’est retrouvée au coeur du débat.

Le président de l’Île de loisirs a sollicité la Région pour un devis estimé à plus de 800 000 euros et 17 semaines de chantier. C’était le résultat d’un appel d’offres qui s’est clôturé en novembre 2023, et une dépense à ranger parmi les investisse­ments.

« C’était une opération politicien­ne », s’emporte Patrick Karam, le vice-président de la Région chargé des sports, des

JOP, des loisirs, de la citoyennet­é et politique de la ville, et de la vie associativ­e.

Mi-décembre 2023, le comité syndical de l’Île de loisirs se réunit pour adopter les statuts qui doivent définir la gouvernanc­e à 2 (Région et agglo) après le départ du Départemen­t. En préambule, les élus de la Région annoncent que la facture du nettoyage de la décharge sera réglée si les nouveaux statuts sont adoptés.

Patrick Karam se justifie. « Il fallait sortir l’Île de loisirs de l’impasse pour ne pas se retrouver dans ce chaos. » En l’occurrence, c’est peut-être le moyen, de pression, qui a provoqué la fin du syndicat.

La gouvernanc­e resserrée et la présidence accordée à la Région, les nouveaux statuts voulus par la Région, avec l’accord de Jean-Michel Fourgous, sont retoqués.

Depuis, José Cachin, le président de l’Île de loisirs depuis 2020 et adjoint au maire de Montigny-le-Bretonneux, a mis entre parenthèse­s sa démission présentée dans la foulée de cet épisode. Il assure la gestion courante de la structure pour quelques semaines encore, peut-être quelques jours.

La Région ne voulait pas gérer seule la structure, elle est sur le point de s’y résoudre, ce qui serait une première parmi les 12 Îles de loisirs d’Île-deFrance. À moins de 6 mois de l’ouverture des Jeux olympiques, la décharge n’est pas le seul dossier urgent à traiter, le site doit aussi accueillir une fan-zone et organiser la saison estivale.

Mais c’est sur le terrain de l’ancien camping (12 ha) que le CIO (Comité internatio­nal olympique) compte installer son back-office, derrière la porte de la Digue, l’entrée de l’Île de loisirs qui jouxte le Vélodrome national. Patrick Karam estime d’ailleurs que la convention signée pour l’occupation du terrain aurait pu être plus élevée. « Comme ça c’est fait partout ailleurs », dit-il.

« Le CIO paye un loyer, mais on n’allait pas lui faire payer le nettoyage de la décharge non plus », répond José Cachin.

Un camping fermé en 2012

Le Parisien avait révélé l’état du lieu en février 2023, en filmant le site avec un drone. Mais sa déliquesce­nce a commencé en 2010. La Région et l’agglo étaient dirigées par la gauche lorsque le camping a fermé pour travaux. Plusieurs dizaines de mobile homes y hébergeaie­nt des salariés du secteur du BTP. Squatté jusqu’à sa fermeture définitive, en 2012, le site a fini aux oubliettes après l’abandon du projet de nouveau camping.

Bidonville

Il réapparait dans l’actualité entre 2014 et 2017 lorsque des familles de Roms s’installent à Montigny-le-Bretonneux, dont quelques-unes à cet endroit, dans les bâtiments en ruine ou dans des cabanes.

C’est après l’évacuation définitive du camp, en juin 2021, que les autorités auraient définitive­ment compris que le lieu servait de déchetteri­e clandestin­e. Les dépôts auraient même continué jusqu’en 2022 avant que l’accès ne soit sécurisé.

Les 280 000 euros de la Région ont servi à détruire les bâtiments et le bidonville, nettoyer le site, mettre du grillage… Et lancer les études pour nettoyer la décharge où les amas de déchets sont potentiell­ement dangereux et polluants. « Entre mon arrivée à la présidence et l’évacuation du camp, il s’est passé un an. Il a fallu se coordonner avec les services sociaux, la préfecture… Personne ne peut expulser des familles en moins de deux mois », se remémore José Cachin, président de l’Île de loisirs.

C’est pourtant ce que lui reproche, entre autres, Patrick Karam. « Ils ont laissé les occupants s’installer sans réagir, pendant des mois. »

Un temps annoncé à hauteur de 2 M€, le déficit de fonctionne­ment s’élèverait finalement à 1,3 M€ cette année, en partie à cause des émeutes de juin 2023 qui ont dégradé les entrées de l’Île de loisirs. Le temps de réparer les dégâts, pendant deux mois, l’entrée était restée gratuite.

« Sans ce manque à gagner, nous serions à la hauteur d’un déficit structurel plus acceptable. Les attaques de Patrick Karam me font sourire. Elles démontrent son manque total de maitrise du sujet. Nous avons une quarantain­e de salariés, mais nous avons un site de 600 hectares, deux fois plus grand que n’importe quelle autre Île de loisirs », répond José Cachin.

Patrick Karam ne s’est pas seulement fâché avec José Cachin. Il était déjà aux premières loges lorsque le clash avec le Départemen­t a éclaté l’an dernier, un épisode qu’il n’a pas digéré.

«Nous avions une vision complèteme­nt différente de ce que doit être une Île de loisirs. Le Départemen­t voulait une structure rentable alors que je défends leur vocation sociale. En quittant l’Île de loisirs, le Départemen­t des Yvelines a tourné le dos à sa vocation sociale, avec le soutien de la gauche», martèle Patrick Karam.

« Plus c’est gros, plus ça passe! Nous avons toujours été consensuel­s sur ce sujet, alignés avec la quasi-unanimité des élus du Départemen­t et de ceux de Saint-Quentinen-Yvelines », ajoute Ali Rabeh, maire de Trappes.

«Nous avons soutenu la sortie du Départemen­t en espérant que ce coup de semonce servirait à renouer un dialogue plus constructi­f avec la Région. Lors du vote de la sortie de l’agglo, soumis par Jean-Michel Fourgous, nous demandions un sursis de quelques mois. Maintenant, c’est trop tard, la voiture est à la casse. »

Pendant ce temps, la décharge continue d’abimer la nature, mais aussi l’image du territoire.

 ?? Ludovic VINCENT ?? Les immondices ont été déchargées jusqu’aux pieds des arbres qu’ils recouvrent sur plus d’un mètre.de mètres du Vélodrome national.
Ludovic VINCENT Les immondices ont été déchargées jusqu’aux pieds des arbres qu’ils recouvrent sur plus d’un mètre.de mètres du Vélodrome national.

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